Stéphane Olry qui préside la séance cède la parole à Jean-Christophe Marti. Ce dernier rappelle brièvement la place de la commission « Saison en lutte » au sein de la CIP-IDF.
Il informe les participants à la réunion que les comptes-rendus des précédentes réunions sont affichés à l’entrée de la CIP, et consultables sur le site de la CIP. Il signale qu’une transcription de la réunion est notée par Corine Miret. À la suite d’un travail rédactionnel réalisé par Stéphane Olry, un compte-rendu est adressé aux membres de la réunion qui disposent de deux jours pour le relire et l’amender.
Il rappelle enfin la nécessité d’une parole libre et concrète.
Les participants à la réunion se présentent :
Patrick Franquet : comédien
Guy : comédien
Marion Franquet : chercheuse en sociologie, travaille sur l’évaluation dans le domaine culturel
Léandre Garcia-Lamolla : éclairagiste Laurence : comédienne interprète
Magali : comédienne
Jean-Christophe Marti : compositeur
Franck Chevalet : comédien
Sophie : comédienne
Jeff : responsable d’animation
Jean Boillot : comédien, directeur de compagnie
Stéphane Olry : auteur, metteur en scène, comédien, co-dirige la Revue Eclair
Corine Miret : danseuse, comédienne, co-dirige la Revue Eclair avec Stéphane Olry
Stéphane Olry présente ensuite le travail préparatoire réalisé par Jean-Christophe Marti, Corine Miret et lui-même sur le thème de la réunion du jour « Évaluation, Expertise : par qui et comment voulons-nous être jugés ? » :
Stéphane Olry :
« » Expert « vient du latin » expertus « : » qui a par l’expérience, par la pratique, acquis une grande habileté. « Depuis le 16° siècle, c’est aussi dans une seconde acception : » une personne choisie pour ses connaissances techniques et chargée de faire, en vue de la solution d’un procès, des examens, constatations et appréciations des faits ". Apparaît ici l’idée du jugement.
Dernière acception : « personne dont la profession consiste à reconnaître l’authenticité et à apprécier la valeur de certains objets d’art, pièces de collection ».
Donc, en reprenant les définitions à l’envers, le but d’une expertise est de hiérarchiser la valeur respective d’une production humaine en comparant, par expérience, ce qui est comparable.
Cette idée de valeur nous amène au mot « Excellence », puisque toute classification et hiérarchisation entraîne la distinction d’un meilleur.
Excellence : « Éminent degré de qualité en un genre ». Littré donne une acception un peu oubliée, mais qui n’est pas sans actualité : Prix d’excellence : « Dans les lycées, prix unique décerné à l’élève qui s’est le plus distingué pendant toute la durée de l’année scolaire. »
L’excellence, une fois reconnue est récompensée.
L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, fait remarquer que les princes de sang ont renoncé au titre d’Excellence au profit de celui d’Altesse (toujours la même idée de hauteur). Le titre d’Excellence est donc réservé aux ambassadeurs de France. En effet, pour représenter notre pays, on envoie « le meilleur » d’entre nous.
Ainsi, l’excellence est ce qu’on met en avant, en vitrine, ce qu’on présente à l’étranger. On comprend mieux dans ce sens la politique d’Excellence Culturelle.
Bref rappel civique : la République vise à récompenser les talents, c’est à dire « ce qui est le fruit de nos capacités et de notre travail », aux dépens de ce qui est le fruit de nos origines. On n’hérite pas de la direction d’un CDN parce qu’on est le fils du précédent directeur. Idem, on n’achète pas les charges, comme cela se faisait sous l’ancien régime. "
Guy fait remarquer alors une survivance de l’ancien régime : notaires et huissiers de justice achètent leurs charges.
Stéphane Olry :
" En préparant cette réunion, nous avons distingué trois grands modes opératoires utilisés pour distinguer les talents : le concours, l’examen, la cooptation.
Le concours est une épreuve dans laquelle plusieurs candidats sont en compétition pour un nombre limité de places : concours d’entrée au conservatoire, audition.
L’examen est une « épreuve où une notation est établie, ceux qui passent une moyenne obtiennent l’examen ». Dans nos métiers c’est un mode de sélection rare. Nous passons cependant tous les ans un examen, celui de notre dossier Assedic. Nous sommes attachés à ce mode d’évaluation parce qu’il est le seul qui ne mette pas en concurrence. La barre des 507 heures représente la moyenne à obtenir. Avec le protocole du 26 juin et la règle du décalage, on peut dire que la CFDT et le MÉDEF ont inventé un nouveau mode d’évaluation : la loterie.
La cooptation : « Nomination d’un membre nouveau, dans une assemblée, par les membres qui en font déjà partie » est, d’une certaine mesure le moins républicain des modes de sélection puisque le plus subjectif. Il est cependant extrêmement usité dans nos professions et on peut se demander si bien des concours et examens ne sont pas des cooptations cachées.
Pour finir sur ce tableau très général, nous avons aussi distingué trois temps de l’évaluation dans nos métiers (ces temps peuvent se chevaucher et s’interpénétrer) :
1 : L’évaluation d’un projet à son origine (auprès du ministère, et d’organismes subventionneurs en général : collectivités locales, sociétés d’auteurs ou d’interprètes etc) : cette évaluation est généralement confiée à des commissions d’experts.
2 : L’évaluation de la pertinence de la présentation du projet dans un lieu à une date donnée. C’est une décision prise par un directeur de théâtre, un programmateur. C’est généralement une décision personnelle, ou du moins revendiquée comme telle.
3 : L’évaluation critique du projet réalisé. C’est celle qui est faite par les spectateurs, la presse, la profession. Positive elle permet au spectacle de poursuivre sa vie, négative elle rend problématique sa survie. L’instance de cette évaluation-là est la plus difficile à cerner, et obéit à l’extrême acuité supposée du regard des spectateurs professionnels (critiques ou professionnels au sens large), et d’autre part l’irrationalité des lois de la rumeur, et du marché.
Nous avons donc voulu d’emblée centrer les débats sur nos pratiques, postulant que nous sommes tous conscients d’avoir choisi des métiers où l’évaluation est permanente, et la concurrence de règle.
Le premier point de l’ordre du jour de ce soir est l’entrée dans nos métiers. C’est aussi celui qui nous semble plus remis en question, et par l’accord du 26 juin, et par la politique d’excellence culturelle.
La question est donc :
1 - « Dans quelles conditions votre travail a-t-il été évalué pour la première fois ? (Premiers spectacles, premiers rôles, premiers emplois, débuts de carrière, repérages...) »
Franck Chevalet :
« J’ai passé le concours du TNS, et j’ai été reçu. Le nombre de comédiens retenus n’était pas fixé avant le concours. Il dépendait de la direction de l’école. Le concours comprenait trois tours. J’avais donc trois scènes à préparer (un dialogue au choix, une scène en vers imposée, et enfin un monologue où un talent particulier peut être montré (jonglage, acrobatie etc). À cette époque Martinelli dirigeait le TNS. N’importe qui entre 18 et 25 ans quel que soit son niveau d’études ou son expérience professionnelle pouvait se présenter. Depuis que la direction a changée, il faut BAC+2 pour passer le concours. C’est dommage car cela sélectionne une élite intellectuelle : si tu viens d’un milieu où on n’a pas l’usage ou les moyens de faire des études, tu ne peux pas t’inscrire. Personnellement, dans ces conditions-là je n’aurais pas pu postuler au concours. »
Jean Boillot :
« J’ai travaillé, puis j’ai passé des concours. J’ai suivi le conservatoire. À la sortie du conservatoire, j’ai fait la tentative d’un spectacle. Celui qui a joué le rôle de l’ » expert « était un directeur du théâtre à Poitiers qui a signé le premier contrat d’achat du spectacle. C’était le banco qui fait que j’ai présenté mon premier spectacle dans une région et dans un théâtre où je travaille encore. »
Sophie :
« Pour moi, cela a été l’audition pour le premier spectacle où j’ai joué qui a été la plus importante. C’était une audition sur trois jours, avec trois séances de travail. On avait le temps de faire des propositions. Nous étions quinze au départ et le metteur-en-scène devait sélectionner six interprètes. Nous étions venus dans l’optique d’une audition, mais nous nous sommes retrouvés au travail. L’évaluation s’est faite sur les trois jours. Nous ne sommes pas toujours dans le cas d’avoir ce temps-là. C’est une forme d’évaluation dans la durée que j’apprécie. ».
Jeff :
« Le mot d’évaluation fait tilt pour moi. J’ai passé comme tout le monde des examens, des concours, mais pour moi la constitution d’une grille d’auto-évaluation avant et après un projet me paraît ce qui est le plus essentiel. Il n’y a pas que l’évaluation par un autre. Moi, je me pose la question de l’auto-évaluation. L’auto-évaluation permet de se fixer des objectifs. La capacité d’une personne à se juger elle-même dans son travail me paraît importante. »
Stéphane Olry :
« Je me pose la question : dans quelle mesure n’intègre-t-on pas inconsciemment les contraintes extérieures dans une auto-évaluation ? »
Guy :
« Oui, par exemple, au cours d’un spectacle on s’auto-évalue par rapport à une attente et une réaction du public. »
Sophie :
« Il faut distinguer ici. L’évaluation d’un public et de professionnels n’est pas similaire. »
Patrick Franquet :
« Ce que tu dis interroge la place du spectateur. Certains viennent pour juger (et ils ne sont pas forcément des professionnels). D’autres viennent plus dégagés des contraintes du jugement. Ces écoutes diverses modifient le jeu. »
Franck Chevalet :
« Normalement le public n’est pas là pour évaluer à proprement parler. On entend cette différence dans les retours après le spectacle. Souvent, en tant que professionnels, nous produisons une série de jugements à la suite d’un spectacle, sur la lumière, la scénographie, la pertinence de la mise en scène, alors que des non-professionnels parlent eux, très simplement de l’histoire qu’ils ont écoutée. »
(On recadre le débat sur les débuts de chacun dans la carrière)
Jean-Christophe Marti :
« Je suis pour ma part un produit de l’hyper sélectivité des carrières musicales. J’ai passé mes premiers concours et examens à l’âge de 8 ans. En musique, la véritable sélection se fait déjà à 10 ou 11 ans. L’examen d’entrée au conservatoire doit être préparé, sinon on ne peut pas le réussir. J’ai ensuite suivi plusieurs classes au conservatoire de Paris. Je rappelle cependant au regard de ce qui a été dit sur l’égalité supposée apportée par la République, que c’est la République qui a mis en place les conservatoires pour remplacer les maîtrises qui, par bien des aspects, étaient plus démocratiques. Nous sommes, depuis l’instauration des conservatoires, dans un processus de discrimination. Je remarque que chaque art a un système de sélection différent : par exemple les critères techniques sont très importants en musique alors que c’est presque l’opposé en théâtre. »
Guy :
« Je voudrais noter qu’il n’y a que trois conservatoires nationaux en théâtre et que les concours d’entrée y sont très sélectifs. En conséquence, beaucoup de cours privés (donc payants) préparent l’entrée au conservatoire qui, lui, est gratuit : c’est absurde et en contradiction avec les ambitions égalitaires des conservatoires. »
Sophie :
« Par ailleurs, les échos que j’ai eus de gens passés par le conservatoire, rapportaient que parfois les élèves n’étaient pas là pour apprendre mais pour obtenir des contacts qui leur serviront au cours de leur carrière ».
Stéphane Olry :
« Le réseau de relation est essentiel dans les débuts. Moi, à quinze ans, j’avais monté une compagnie au lycée Lavoisier dans le 5° arrondissement avec des amis. J’écrivais des pièces de théâtre, et je voulais devenir metteur en scène. Il n’y avait pas d’école pour la mise en scène à l’époque. J’ai eu beaucoup de chance car j’ai eu ma première subvention de la Ville de Paris à 18 ans. À cette occasion, le tissu relationnel que j’avais établi avait fonctionné à plein. En effet, un comédien de la compagnie était le fils de la directrice des pages culture du journal Le Monde. Il est clair pour moi que si j’avais été au lycée à Saint-Ouen ou à Vitry-le-François, je n’aurais pas eu la même chance. J’ai obtenu aussi avec ces mises en scène mes premiers articles dans la presse. C’était ma première évaluation. »
Jeff :
« Comment évalue-t-on une première mise en scène ? »
Stéphane Olry :
« J’imagine qu’on juge une capacité à mettre en œuvre un désir, à écrire un texte avec un début, une fin, à constituer et à faire travailler une équipe. Les comédiens savent leur texte, ils rentrent et ils sortent au bon moment. Les effets lumière et son n’arrivent pas n’importe où ni n’importe comment. C’est ça qui est évalué, j’imagine. »
Léandre :
« Moi, j’ai un diplôme de » technicicien « (sic) du spectacle qui m’a été délivré par une association après un stage de formation de la mission de l’emploi. L’accès à ce genre de stage est plus que facile. Ils cherchent des gens en échec, car plus les stagiaires sont des cas désespérés, plus la boîte de formation gagne de l’argent. J’ai obtenu ensuite un autre diplôme de participation au téléthon pour » Reconnaissance de mon travail bénévole ".
Depuis ce diplôme de « Technicicien » et de « Bénévole », je n’ai eu pour évaluation que les félicitations des spectateurs, de l’équipe avec qui je travaille ou du technicien permanent du théâtre qui accueille le spectacle pour lequel je travaille. Ce sont de petites phrases. Des signes discrets qui me montrent qu’on retravaillera ensemble. À propos d’auto-évaluation, je me suis jugé apte à faire ce métier après que des artistes ont reconnu mon travail lors d’une création et m’ont proposé une tournée. Le vrai jugement qui m’a dit que j’étais professionnel était là : j’ai réussi à monter le spectacle, ça a marché, donc je suis capable de faire ce métier.
Je suis très content quand les spectateurs applaudissent, encore plus quand les comédiens font un geste vers la technique lors des saluts. Une fois d’ailleurs, je suis allé voir un comédien qui était le seul à montrer la technique lors des saluts : il m’a dit qu’il n’y avait rien de personnel là-dedans, le metteur en scène lui avait donné cette mission pour qu’il n’y ait qu’un seul comédien qui le fasse. C’était le choix du metteur en scène. Ça m’a un peu refroidi.
À part ça, moi aussi, j’aurais bien suivi une formation au TNS, mais je n’ai pas pu à cause de la limite d’âge.
Ma formation de « technicicien » m’a permis de mettre des mots sur ma pratique et de voir que je n’étais pas seul et que j’avais le droit de faire ça. Ensuite, mes lunettes ont beaucoup fait pour m’aider à être respecté dans les théâtres. Blague à part, beaucoup de choses font que tu es jugé, dès le déchargement du camion, dès le premier coup de fil, dans le travail effectif. Donc le jugement se forge sur tout le cours du travail. Et il se conclut à l’instant où les portes du camion se ferment. On sait par des petits mots, « C’était bien », « merci », « A bientôt », des petits riens, si on reviendra ou non... "
Franck Chevalet :
« Pour répondre à Jean-Christophe, je ne vois plus trop la différence entre le théâtre et les autres métiers du spectacle. Même les conservatoires municipaux de théâtre ont des concours d’entrée à présent. »
Sophie :
« Pour ma part j’ai fait le conservatoire du 18è arrondissement. Il y avait en effet vraiment une sélection, et un concours d’entrée. Après, c’était un cours permanent. »
Guy :
« C’est bien ce que je disais : avec ces concours, on nous demande de savoir nos métiers avant de l’apprendre. »
Jean-Christophe Marti :
« Est évalué dans ce type de concours si l’impétrant est » doué « , s’il dispose des » dons naturels « nécessaires. C’est une sorte de jugement à priori. »
Guy :
« Ces jugements » à priori « sont très durs. Dans un contexte complètement différent, j’ai par exemple découvert dans la presse la veille d’une première, que je faisais partie d’une » compagnie de toxicos qui se réinsérait par le théâtre « , alors que le travail que nous faisions n’était pas du tout celui-là. J’avais eu la fierté de travailler avec un metteur en scène pendant toutes les répétitions, et j’ai eu honte de ce qu’on disait de notre travail la veille du spectacle dans la presse. Ça m’avait foutu par terre. »
Patrick Franquet :
« Un récent spectacle de Catarina et Carlotta Sagna parlait de l’évaluation et je me souviens d’une phrase dite par la chorégraphe à une interprète durant le spectacle » Ce qui me plaît chez toi, c’est que tu montres quand tu es mal à l’aise « . Ce qui est violent, c’est qu’alors est évalué quelque chose de très intime. »
Magali :
" Pour moi le moment de cette première évaluation reste très difficile à définir. J’ai fait une école à Montpellier, j’ai obtenu le diplôme, mais ça ne m’a servi à rien.
J’ai ensuite passé le conservatoire pour continuer à travailler. J’ai été prise. Cependant, cette année-là le directeur avait rayé cinq fille en plus car il pensait qu’il n’y avait pas de boulot dans la profession. C’était un couperet complètement subjectif.
Je me suis ensuite formée à détourner ces évaluations en travaillant avec les gens, en privilégiant les instances où le jugement se fait dans le travail. D’ailleurs, lorsque j’ai passé des auditions, je ne les ai jamais réussies. Nathalie Sarraute racontait n’avoir quasiment pas été éditée entre 32 et 57 : elle parlait du jugement, du fait qu’elle ne s’est pas découragée, a continué dans une grande solitude. Et le fait de ne pas prendre en compte le jugement l’a sauvée comme auteur.
"
Laurence :
« Mon parcours m’a fait toujours fuir l’institution, peut-être par appréhension du jugement. Lors de ma première mise en scène, j’avais touché une petite subvention, j’ai travaillé avec des comédiens plus âgés que moi : ce furent eux mes premiers » évaluateurs ". Ensuite, avoir un petit papier dans la presse, une salle de plus en plus pleine sans publicité, découvrir que les spectateurs étaient heureux de venir, et les comédiens de travailler avec moi, c’était cela les critères de ma première évaluation. J’étais jeune, je n’avais pas fait d’école. C’était dur, très intuitif. Mais cela a été une évaluation heureuse.
Mon pari les premières années, c’était de réussir à monter ce que je voulais, comme je voulais, plutôt que gravir des échelons dans les institutions. "
Stéphane Olry résume ce premier tour de table en mettant en exergue l’attachement de chacun à une évaluation dans la durée, et par ses pairs.
Il fait remarquer que, même s’il partage cet attachement au jugement par nos pairs, il implique le risque du « copinage ».
Stéphane Olry :
« Personnellement, si j’ai profité à mes débuts de ce type de cooptation, elle ne m’a jamais satisfaite moralement. »
Léandre :
« Je voudrais mettre un bémol à ce que tu dis : moi, par exemple je ne travaille que par copinage et cooptation. »
Stéphane Olry : « Mais bien sûr. Et je travaille avec toi aussi parce que nous nous entendons bien. En tant que petit patron, directeur de compagnie, je pratique quotidiennement une forme de cooptation que je récuserais si elle devait m’être appliquée. De la même façon, j’établis une évaluation permanente des gens avec qui je travaille, je les mets donc en concurrence, alors que c’est un système que je ne supporte pas pour moi. C’est la schizophrénie quotidienne de nos métiers. »
Franck Chevalet :
« Je ne comprends pas : il y a quand même un boulot à faire. Ce qui est évalué n’est pas uniquement le fait de bien s’entendre. »
Stéphane Olry acquiesce.
j
On propose de passer à la deuxième question qu’on souhaitait poser à ceux qui se trouvent réunis autour de la table :
« Donnez l’exemple d’une évaluation de votre travail qui vous a satisfait. (Programmation, retour critique, octroi de bourse, attribution de subvention...) »
Magali :
« Pour moi, le moment le plus satisfaisant c’est quand il y a une évidence dans le travail. »
Sophie :
« Il y a aussi le plaisir du contact entre deux individus qui se rencontrent à un moment. Par exemple, quand j’ai passé l’oral de mon bac français, la rencontre s’est bien passée humainement avec l’examinateur, et je sais que c’est aussi la réussite de cette rencontre qui a été notée. »
Marion Franquet :
« Lorsque je cherchais du travail, je trouvais insupportable le copinage. Moi aussi j’ai trouvé du travail par cooptation. Je trouvais ça méprisable. Mais ensuite, je me suis rendu compte que c’était important de bien s’entendre avec les gens avec qui on travaille. »
Franck Chevalet :
`
« Une fois un metteur en scène m’a dit : je t’ai vu jouer, ton travail m’a plu, je t’engage. » C’était la plus belle évaluation qu’on puisse espérer. Appellera-t-on cela de la cooptation ? "
(La discussion devient générale)
Marion Franquet :
" Parmi des gens possibles, on engage celui qu’on connaît déjà. Celui dont on sait quelque chose. Le copinage et la cooptation, est-ce la même chose ?
C’est parfois de la rencontre plutôt qu’autre chose. "
Franck Chevalet :
« La rencontre c’est l’idéal, mais parfois il faut bien forcer les choses pour que la rencontre ait lieu. »
(On ramène les débats sur les évaluations heureuses.)
Patrick Franquet :
" Concernant la satisfaction apportée par une évaluation, je distingue deux temps. Il y a des expériences dont j’étais très content sur le coup mais dont j’ai un peu honte : nous nous sommes beaucoup amusés sur scène, mais le spectacle ne ressemblait à rien.
Il y a des rencontres dont on est satisfait après coup. On se rend compte à posteriori que cette expérience a été un tournant. J’ai fait une rencontre avec Yvon Davis (il y a dix ans aujourd’hui). J’ai travaillé sous sa direction. Je me dis : heureusement que je l’ai rencontré à ce moment-là. Ça ne suffit pas d’obtenir un plaisir immédiat ni que celui qui t’évalue te trouve bien. Il faut pouvoir juger de la chose sur le long terme"
Franck Chevalet :
« Au reste, un metteur en scène peut être fidèle à un comédien sans lui taper dans le dos forcément. »
Stéphane Olry :
« L’évaluation qui m’a le plus satisfaite est celle qui a été faite lorsque Corine et moi avons obtenu une Villa Medicis hors les Murs pour partir au Proche-orient. Le nom du rapporteur a été rendu public en même temps que ses décisions. C’était Dominique Noguez, un homme que je respecte autant comme écrivain que comme critique, et j’ai trouvé flatteur qu’il ait reconnu notre travail. Ensuite, un dîner a été organisé entre les rapporteurs et les lauréats, et au fond, j’ai réalisé que je n’avais pas grand-chose à dire à Dominique Noguez, ni lui à nous. Tout s’était dit dans la découverte réciproque de nos boulots respectifs. Personnellement, le type de reconnaissance que j’ai pu obtenir de commissions ne m’a jamais satisfait. J’avais plutôt le sentiment d’un assentiment général de la profession, que d’un choix réel. Cela me semble illustrer une tendance qui a été observée par les psychologues et qui a été étudiée lors de recherches sur les votes de jurés de Reines de beauté. On a remarqué que lorsqu’on demande à ces jurés pourquoi ils ont voté pour telle fille, ils répondent qu’ils n’ont pas voté pour celle qu’au fond du cœur ils trouvaient la plus belle, mais pour celle qui avait le plus de chance de gagner. Je crois que toutes les commissions finissent par fonctionner ainsi : on n’est pas jugé sur son travail, mais sur la capacité de son travail à entraîner un consensus. »
Guy :
« Lors du festival du jeune théâtre à Alès, je faisais partie de la compagnie qui sélectionnait les projets : je me suis rendu compte alors combien la rencontre avec les artistes est importante : on juge plus façon dont quelqu’un vient défendre son projet que le projet lui-même. Il faut dire que les critères sont très divers : il fallait prendre certaines compagnies parce qu’on savait qu’elles rempliraient la salle, ou parce que c’était un gars du coin et qu’il fallait quoi qu’il en soit prendre son spectacle. On cherchait cependant à garder l’ouïe et le regard aiguisés pour présenter des spectacles ardus à recevoir, des premiers spectacles... »
Magali :
« Par rapport aux commissions, ce que je retiens de ce que vous dites, c’est que seraient favorisés plutôt des projets consensuels ? »
Stéphane Olry :
« La Revue Éclair a organisé des diffusions d’œuvres vidéos. Nous étions trois à sélectionner et à montrer les vidéos et lors des visionnages, la règle entre nous était qu’il suffisait que l’un d’entre nous soit prêt à défendre la vidéo en public pour qu’on le prenne. Cela a marché très bien, car les choix étaient vraiment signés. Ensuite, nous avons essayé de nous associer à trois autres personnes, et cette affirmation très subjective de choix esthétiques n’a plus été possible. En fin de discussion, on choisissait des vidéos sur lesquelles on était tous d’accord : et ces choix n’avaient plus rien d’artistique. J’ai aussi fait partie du jury d’un festival vidéo et j’ai vu comment ça se passe dans une commission. On se retrouve assez vite à régler des comptes : si tu descends un film qu’un autre membre de la commission défend, tu es certain qu’il attaquera le prochain film que tu défendras. Au final, on surveille sa parole. On constate que le silence est la meilleure manière d’exclure un film : personne n’a rien dit sur le film, donc on l’exclue, mais personne n’a à endosser la responsabilité de cette exclusion. »
Sophie :
« J’ai fait partie du jury » Les lutins du court-métrage « . Une quinzaine de jurés (représentants des institutions) opèrent la première sélection des films présentés ensuite à un jury de 2000 professionnels. Chaque juré a un dossier, un dvd du film qu’il regarde seul chez lui. Le vote est secret. Avant, le film était projeté en salle. Pour juger sur un petit écran d’un film cinéma, c’est pas terrible. Mais du coup on vote dans son âme et conscience, comme dans un isoloir. »
Léandre :
« Des fois, je m’interroge sur la validité de l’idée de choix même. Par exemple, on sait qu’au jeu de cartes, jouer en regardant ses cartes ou au hasard ne produit pas toujours des résultats très différents. »
Stéphane Olry :
" On constate quoi qu’il en soit une inflation du nombre de commissions. J’y vois personnellement une peur du jugement assumé. Un refus de la responsabilité du choix. C’est curieux, car souvent les directeurs de théâtre font partie de commissions dont ils ne contestent pas la pertinence, alors qu’ils refuseraient tous (avec raison) que leur programmation soit décidée collectivement.
Je me demande si toutes ces commissions sont situées sur le bon lieu d’évaluation. Par exemple, une commission avait voté qu’un de nos spectacles serait intégré dans le catalogue de l’AFAA : cette décision ne nous a jamais servi à rien, puisque’ ensuite l’AFAA ne nous a jamais soutenus lorsque nous jouions ce spectacle à l’étranger. En revanche, quelques années plus tôt nous avions été reçus par Marie Bonnel à l’AFAA qui nous avait dit tout à trac : « je ne vous connais pas : donnez- moi 6 noms de gens qui vous connaissent et qui sont connus dans la profession. » Ensuite, elle nous a donné une demi-heure pour parler de notre projet. À la sortie du rendez-vous, elle nous avait donné la petite bourse qui nous permettait de retourner poursuivre notre travail en Syrie.
Cette manière de faire peut sembler inique, mais je l’ai ressenti comme quelque chose de plus efficace et clair que les commissions. "
Sophie :
« Les modes d’évaluation à mener devraient être à moduler en fonction des lieux, des moments, des gens, non ? »
Magali :
« J’ai eu un budget pour monter à projet à Poitiers. Au final, je n’étais pas très contente de l’aboutissement du projet mais le directeur m’a dit qu’il me fallait continuer : il situait sa réaction dans une perspective de développement de mon travail. Je me dis avec du recul que ces formes de jugement qui sont plutôt une invitation au travail sont préférables. »
Stéphane Olry :
" Ici encore il y avait une prise de risque du directeur.
Et cette prise de risque était possible parce qu’elle était assumée. "
Sophie :
« Quand je dois voter dans un jury (comme pour les lutins du court-métrage), et quand je dois choisir une comédienne ce n’est pas la même chose. Il n’y a pas d’implication pour moi dans le premier cas, mais dans le deuxième cas si. »
Jean-Christophe Marti :
" Ce qui me semble pernicieux dans l’idée de commission, c’est la promesse de garantir une certaine objectivité à priori, comme si on recommençait à chaque projet à zéro. Il y a une objectivité paradoxale. Peu d’experts savent juger une démarche sur le long terme. Je me pose la question de savoir si la mise en perspective d’une œuvre peut être jugée en commission. Par exemple, dans les années 70, la question a été posée au comité de lecture Gallimard de la nécessité de maintenir sa pension à Marguerite Duras. Simone de Beauvoir soutenait que son dernier livre prouvait qu’elle était devenu folle et Queneau soutenait au contraire qu’elle approfondissait son œuvre.
Je me demande vraiment si des commissions peuvent statuer sur une œuvre artistique ? "
Stéphane Olry :
" Remarque bien que dans le cas de Gallimard on possède les notes de lectures, et le compte-rendu des réunions. On imagine donc que tous les membres du comité de lecture ont lu les livres dont ils parlent. Dans une commission de théâtre, est débattu un travail qui n’a été vu généralement que par une partie des membres de la commission. Enfin, nul ne sait jamais ce qui s’est dit dans ces commissions, puisque les comptes-rendus n’en sont pas publics.
À la Revue Éclair, comme nous déposons une demande de conventionnement, nous avons demandé des rendez-vous à tous les experts DRAC d’Ile-de-France. Nous en avons rencontré une douzaine. C’est très intéressant, car la plupart d’entre eux n’étaient pour nous que des noms sans visages, des sortes d’entités. Et du coup, nous obtenons ce que nous n’avons jamais eu, un retour critique de leur part, ce qui est passionnant. "
Franck Chevalet :
" Nous en arrivons alors à la notion de regard critique.
Je vois un écueil dans cette idée d’une commission qui devrait voir à long terme : si pour comprendre un spectacle, il faut l’inclure dans une intelligence de l’œuvre complète de l’artiste, ne va-t-on pas à en arriver à des spectacles intelligibles pour les seuls experts ?
Les simples spectateurs peuvent aussi être experts. "
Laurence :
« Dans les commissions, on échappe à l’humain et on n’est plus dans le temps de la vie, de la respiration. C’est une parole désincarnée, qui se veut exemplaire, unique, objective : ce qui est impossible. C’est une parole qui parle de quelque chose qui est au-dessus d’elle, qui la dépasse. »
Franck Chevalet :
« N’est-ce pas parce que les membres des commissions statuent sous le regard des autres ? Parce que le regard des autres membres influence, et qu’il faut justifier abstraitement leur parole ? »
Stéphane Olry résume le second tour de parole : deux points lui paraissent importants : le désir d’être évalué sur la durée (le long terme, le parcours, le travail), et sur des objets concrets, avec un retour critique.
On introduit le troisième point de l’ordre du jour :
« Par quelles instances voudriez-vous que votre travail soit jugé ? »
Stéphane Olry :
" Je vais ouvrir le bal, car j’ai une proposition à faire.
Je constate que les commissions ne sont pas le bon lieu de jugement pour juger d’un projet artistique car il faut faire un choix, et qu’un choix artistique n’a de sens que signé.
Pour juger les projets, je serai partisan d’ouvrir par exemple douze guichets (je donne ce nombre à la louche), tenus chacun par un rapporteur. Les options artistiques des rapporteurs seraient notoires, signalées par des réalisations précédentes. Ainsi donc, les artistes sauraient à qui ils ont à faire, et ne perdraient pas leur temps à présenter leur travail à des gens qu’ils pensent hostiles ou indifférents. Les rapporteurs disposeraient d’une enveloppe budgétaire annuelle dont ils useraient à leur guise. Ils demeureraient à leur poste trois ans pour un mandat non renouvelable. On jugerait ensuite sur pièce de la pertinence des choix des uns et des autres. "
Patrick Franquet :
« Il me semble que c’est la société entière qui est prise dans les relations conflictuelles du consensus et du » moi je « , pas que la culture. Qu’est-ce qu’un rapporteur ? quelqu’un qui suit les artistes et qui rapporte. Yvon Davis qui a été dramaturge m’a raconté comment l’arrivée des dramaturges a été souvent mal vécue par les comédiens. Les dramaturges étaient identifiés à des » flic du sens « » .
Laurence :
" En Allemagne, les dramaturges sont depuis longtemps dans les théâtres. Vitez y était opposé : il y voyait un discours qui se surajoute.
N’y a-t-il pas aussi un risque de snobisme intellectuel ? "
Franck Chevalet :
« La place du metteur en scène se cherche en permanence : il doit faire de la dramaturgie et aussi de la direction d’acteur. »
Laurence :
« J’ai plutôt eu personnellement à faire avec des regards extérieurs. J’ai eu une mauvaise expérience avec un dramaturge. Mais, c’est vrai que j’ai besoin de regard extérieur dans le travail. »
Stéphane Olry :
« Je rapproche ce que tu dis, de ce dont nous avons discuté lors de la dernière réunion. Quelle place serions-nous prêts à abandonner au regard critique des gens du théâtre où nous travaillons, et qui travaillent pour nous ? »
Jeff :
« L’acte d’évaluation peut aussi être un acte de résistance. Il serait souhaitable de demander aux équipes permanentes des théâtres qu’elles viennent suivre le travail, d’exiger une appréciation, des critères de sélection, et imposer des grilles d’évaluation. »
Léandre :
" Pour te répondre, je dirai que le bilan à posteriori n’est jamais fait sauf quand il est mauvais, au moment où on charge le camion.
L’évaluation que propose Jeff, si c’est une sorte de grille à cocher, me paraît difficile à mettre en œuvre.
Déjà rester au bar après le spectacle est pas mal, c’est là qu’on discute avec les équipes permanentes, alors qu’arriver avec un petit papier pour demander de nous évaluer me paraît difficile. "
Jeff :
« Je pensais à une réunion formelle par exemple deux fois par semaine avec les gens de l’équipe pour parler de comment ça se passe. »
Léandre :
« Il est vrai que pour nous les techniciens, nous sommes plus en rapports avec les permanents donc nous parlons plus avec eux. »
Sophie :
"Je remonterais à l’essence de la question : qui nous regarde et dans quel but ?
Est-ce qu’on a des avis, des opinions ?
Quels sont les critères que je me donne pour évaluer mon regard ? (est-ce que je m’en tiens à mon avis ou est-ce que je suis plus objective ?) "
Franck Chevalet :
" Existons-nous par le choix artistique d’un programmateur, ou à plus long terme ?
On peut résumer en disant que jusqu’alors on était reconnu dans le métier que parce qu’on avait travaillé 507 heures sur 12 mois. "
Jean-Christophe Marti :
" L’intermittence comme seul critère d’évaluation me paraît saine : elle organisait la répartition de l’argent selon des critères purement démocratiques, quels que soient les critères esthétiques. Je suis contre le fait que le Ministère de la Culture fasse des choix esthétiques. Je suis aussi très inquiet par ce concept inepte de l’excellence culturelle. Je défends le statut des intermittents idéologiquement, comme une défense du métier selon des critères non esthétiques. C’est fondamental de dire qu’il n’y a pas de critère d’excellence artistique. Il faut le redire.
Il faut défendre les gens qui exercent ce métier même si ce n’est pas régulièrement, mais qui obtiennent 507 heures de travail sur l’année. Pour moi les ASSEDIC sont une subvention, il faut l’affirmer. En art, on ne peut pas prévoir ce que les gens vont devenir, il n’y a pas de critères d’excellence, et si l’état en établit, cela signera un retour à l’académisme. Je me bats pour que des artistes qui présentent des trucs que je considère moi comme nuls continuent à faire ce métier. "
Stéphane Olry :
« Je rappelle qu’à la conférence de presse de l’ouverture du festival d’Avignon, la porte-parole de la CIP a critiqué l’excellence culturelle et que ça a jeté un froid terrible parmi les directeurs de théâtre qui étaient là. Le sujet est hypersensible. Il faut que nous parvenions à récuser ce concept. »
Franck Chevalet :
« L’état a un devoir culturel, pas artistique c’est sûr. Mais le critère des ASSEDIC n’est que dans les chiffres. Moi, ça me gêne que des gens qui font 1000 heures à Disney ou comme standardiste à Radio-France aient ce droit. »
Stéphane Olry :
" Le ministère de la culture exige des compagnies une licence d’entrepreneur du spectacle pour qu’elles aient le droit de demander des subventions. Or ces licences sont distribuées sur des critères purement administratifs, sociaux, voire discrétionnaires : il faut que le détenteur de la licence ait un casier judiciaire vierge, et que la compagnie soit en règle avec les caisses de prélèvements sociaux.
Je pose la question : pourquoi ne demande-t-on pas aux commissions d’experts DRAC d’opérer ces choix ? une commission de professionnels et d’acteurs culturels serait légitime pour dire : voilà une association qui réalise un travail d’intérêt culturel, et en voici une dont l’activité n’a d’artistique et de culturel que le nom. Et plutôt que d’agiter le spectre de la carte professionnelle, ne ferait-on pas mieux de réserver l’autorisation de faire des contrats à durée déterminée à répétition aux structures bénéficiant de cette licence ? "
Léandre :
" Disney pourrait du coup avoir plutôt une licence de parc de loisir ?
Stéphane Olry :
« Disney serait alors mis devant l’obligation de faire des contrats permanents à des gens qui occupent des postes dans un centre de loisirs ouvert 12 mois sur 12. »
Marion :
« J’ai une question. En regard avec l’idée de nommer des rapporteurs sur 3 ans, j’ai remarqué que dans les commissions DRAC il y a des gens depuis très longtemps. Quelle est la justification de ces longs mandats ? »
Stéphane Olry :
" Personnellement, je ne récuse pas le fait qu’il y ait des gens depuis longtemps dans les commissions. Il y a la nécessité de garder une mémoire dans un milieu où tout est éphémère. C’est important que certains puissent situer les évènements dans le long terme. Je suis personnellement beaucoup plus choqué par les écrémages sur des critères administratifs qui ont lieu avant le passage en commission. La licence d’entrepreneur de spectacles fait partie de ce dispositif : on essaye de décourager les impétrants par le nombre de papiers, de pièces comptables à fournir.
Rédiger une première demande de subvention est beaucoup plus difficile qu’il y a vingt ans ".
Magali :
« J’entends beaucoup dire que la première demande de subvention est refusée systématiquement. Mais il faut l’avoir fait pour avoir la chance d’obtenir une aide la seconde fois. »
Stéphane Olry :
" Nous n’avons hélas pas eu le temps ce soir d’évoquer la sélection cachée, mécanique, non avouée qui est pratiquée partout.
Au reste, nul n’est dupe. Nous avons demandé à Jean-Pierre Lacoste lorsqu’il travaillait à l’ONDA pourquoi il avait attendu 4 ans pour venir voir nos spectacles : il nous a répondu « Je vois 320 spectacles par an, et je ne peux pas en voir plus. Il existe mille deux cent compagnies de théâtres en France, c’est logique d’attendre quatre ans pour avoir son tour. » Il n’avait pas tort. "
Sophie :
« Pourrait-on envisager un revenu minimum pour les compagnies qui ont par exemple plus de 3 ans ? »
Stéphane Olry :
« Je crois que les aides automatiques existent de fait avec les ASSEDIC. Ce sont, comme le dit Jean-Christophe des subventions qu’il faut revendiquer comme telles. Par contre, se pose la question du saupoudrage. Personnellement, je suis favorable à l’octroi de subventions de faible importance non renouvelables pour des premiers projets. Elles permettraient aux nouveaux venus de monter un premier travail et leur donneraient le droit d’être jugés sur pièce. »
La CIP fermant ses portes, la réunion finit à ce moment-là.