Samedi 4 juin à partir de 14H00, le groupe Boris Barnet vous invite à la coordination assister aux projections de :
Ouarzazate movie , réalisé par Ali Essafi (57 minutes)
« Ouarzazate est une ville de cinéma qui vit du tournage des grands films internationaux. De Kundun à Astérix, de Gladiator à toutes les versions imaginables de la Bible, la population toute entière fait de la figuration pour des films qu’elle ne verra jamais. Dans les vestiaires et au détour des castings, Ali Essafi regarde vivre le petit peuple des tournages, ses rêves d’Hollywood et ses humiliations. Et sans quitter l’humour et la dérision, le film dresse le constat grinçant d’un cinéma mondial qui impose ses images et ses façons de voir. »
La ricotta , réalisé par Pier Paolo Pasolini (40 min)
Le figurant : « J’ai faim et je ne dois pas protester ? »
Le Christ : « Je te priverais du royaume des cieux »
Le figurant : « J’aime autant la terre. »
Le Christ : « Pourtant ton parti gouverne. »
Le figurant : « Tu crois ton parti meilleur ? Tous les mêmes. »
Et dans Week end de Jean-Luc Godard :
« « On est tous frères » a dit Marx.
C’est pas Marx, c’est Jésus. »
Moi un noir (réalisé par Jean Rouch, 70min)
« Nous vous montrerons ce que c’est la vie de Treichville, ce que c’est que Treichville en personne ». Ces mots sont ceux du commentaire du film Moi un noir. Celui qui les dit s’appelle Edward G. Robinson : « Non je ne m’appelle par Edward G. Robinson. C’est un surnom que j’ai pris, que les camarades m’appellent. Ils me surnomment Edward G. Robinson parce que je ressemble à un certain Edward G. Robinson qu’on joue dans le film, au cinéma. Je ne dis pas mon vrai nom parce que je suis étranger à Abidjan. Nous sommes venus du Niger, à 2000 kilomètres d’ici. »
« André Bazin disait un jour que le plus beau film du monde, c’était l’expédition du Kon-Tiki, mais que ce film n’existait pas, et qu’il ne serait jamais tourné, parce que tout simplement, il ne l’a pas été. En attendant India 58 de Roberto Rossellini qui nous montre pourquoi et comment un tel film est encore possible, voila Moi, un Noir, ex-Treichville, deuxième long-métrage de Jean Rouch, qui met déjà pas mal de points sur les »i" de toutes les idioties de la production cinématographique actuelle.
Moi, un Noir est, en effet, le plus audacieux des films en même temps que le plus humble. C’est fichu comme l’as de pique mais c’est le film d’un homme libre, au même titre qu’Un Roi à New York de Chaplin. Moi, un Noir, c’est un français libre qui pose librement un regard libre sur un monde libre.
C’est donc un film qui n’est en tous cas pas produit par Raoul Lévy. Le metteur en scène de l’admirable Jaguar ne traque pas la vérité parce qu’elle est scandaleuse mais parce qu’elle est amusante, tragique, gracieuse, loufoque, peu importe. L’important c’est que la vérité est là .Il faut la prendre au bond quand Mlle Dorothy Lamour (petite putain qui ravirait Norbert Carbonnaux) gambade tendrement sur la lagune d’Abidjan. Il faut la prendre au mot la vérité, quand elle sort de la bouche de Lemmy Caution, agent fédéral américain et chômeur à Treichville quand il attend les filles à la sortie de l’Église ou apprend au Petit Jules pourquoi la France a perdu la partie en Indochine dans un discours mi-Céline, mi-Audiberti, mi-rien du tout en fin de compte. Car les discours de Jean Rouch et de ses personnages (dont la ressemblance avec des personnages ayant existé ou existant encore n’est absolument pas fortuite, ces discours sont neufs et purs comme la Vénus de Botticelli, comme le Noir jaillissant de l’onde dans Les Statues meurent aussi
Cinéma nouveau, dit l’affiche publicitaire du film. Elle a raison. Moi, un Noir est cinématographiquement moins parfait que bien d’autres films actuels, n’empêche que sur les intentions, il les rend tous, non seulement inutiles, mais pire : presque odieux. Jean Rouch, d’ailleurs est en constant progrès. Il devine aujourd’hui que le reportage tire sa noblesse d’être en quelque sorte une quête d’un Graal qui s’appelle mise en scène. Il y a aussi dans Moi, un Noir quelques mouvements de grue que ne désavouerait pas Antony Mann. Mais ce qui est beau, c’est qu’ils sont faits à la main. En résumé, en appelant son film Moi, un Noir, Jean Rouch qui est un Blanc, tout comme Rimbaud, déclare, lui aussi que « Je est un autre ». Son film, par conséquent, nous offre le Sésame-ouvre-toi de la poèsie. "
Jean-Luc Godard (in Arts, « Etonnant », n° 713, 11 mars 1959) :