Depuis la réforme décidée par l’Unedic en 2003, le régime d’indemnisation chômage des intermittents est toujours dans la tourmente. Pour en sortir, le Parti socialiste soumet au Parlement, le 12 octobre, une proposition de projet de loi réclamée depuis des mois.
S’ils ne sont plus sous les projecteurs de l’actualité, les intermittents n’ont pas abandonné la scène des conflits sociaux. En juin 2003, la réforme de leur système d’indemnisation chômage, décidée par les « partenaires sociaux » (à l’exclusion de la CGT et de Force ouvrière) au sein de l’Unedic, avait mis le feu aux poudres, provoquant l’annulation des plus importants festivals de l’été. Dans l’année qui a suivi, les actions ont continué, parfois spectaculaires (occupation du toit du Medef, interventions-surprises lors d’un journal télévisé de France 2 ou d’une retransmission de la Star Academy sur TF 1...) ; et les prises de paroles avant des spectacles ou lors d’événements médiatiques n’ont pas cessé.
Incapable de convaincre les partenaires sociaux d’ouvrir de nouvelles négociations, impuissant à résoudre une crise qu’il n’aura pas vue venir, Jean-Jacques Aillagon y aura laissé son portefeuille ministériel. Son successeur rue de Valois à la tête du ministère de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres, aura habilement manoeuvré pour éteindre l’incendie. A qui voulait l’entendre, il s’autoproclamait « ministre de l’emploi culturel », multipliait à plusieurs reprises les gesticulations pour faire croire que les partenaires sociaux de l’Unedic réexamineraient le dossier, et surtout, obtenait du Premier ministre la création d’un « fonds transitoire » pour repêcher des intermittents que la réforme du 26 juin 2003 privait d’indemnités chômage. Autant d’atermoiements qui n’ont rien réglé au fond de la question.
Pendant tout ce temps, la Coordination nationale des Intermittents et Précaires et les organisations hostiles à la réforme de juin 2003, loin de se figer dans une posture exclusivement contestataire ne sont pas restées inactives. Enquête socio-économique sur l’intermittence, expertise d’initiative citoyenne confiée à un laboratoire universitaire, propositions pour un nouveau modèle d’indemnisation du chômage des artistes et techniciens du spectacle vivant et de l’audiovisuel, ont notamment servi de base à de multiples échanges, rencontres et débat. Parallèlement, dès la fin 2003, se constituait un « comité de suivi » qui regroupait syndicats et organisations professionnelles, mais aussi des élus, députés et sénateurs, de différentes obédiences politiques. En février 2004, déjà, ce comité de suivi demandait à ce que soit entamé « un vrai dialogue afin d’ouvrir des négociations sur des bases de propositions partagées par l’ensemble des parties concernées ». En mars dernier, alors que l’Unedic examinait à nouveau le régime d’indemnisation des intermittents, les parlementaires membres de ce Comité de suivi exprimaient « leur consternation à la lecture du projet de protocole d’accord proposé et leur incompréhension devant un refus manifeste de prendre en compte les conditions de travail du secteur culturel et de construire dans le dialogue un nouveau protocole ». « Les parlementaires », disait alors un communiqué de presse, « sont convaincus que seule une loi permettra de sortir par le haut de cette crise ».
Or, une telle proposition de loi existe. Elle défait, pour l’essentiel, la réforme entrée en vigueur le 26 juin 2003, puisqu’elle vise à rétablir « l’ouverture des droits à indemnisation, sur une période de référence de douze mois, avec une date d’anniversaire fixe et le versement d’une indemnité sur l’ensemble de cette même période de référence ». Cette proposition de loi, déposée en mars 2005, a aujourd’hui reçu la signature de 470 parlementaires. Le ministre de la Culture a toujours refusé de la mettre au débat, se réfugiant derrière les instances gestionnaires de l’Unedic. A plusieurs reprises, y compris à l’Assemblée nationale et au Sénat, Donnedieu de Vabres a pourtant assuré : « Si les partenaires sociaux ne font rien, j’utiliserai la voie législative. » De même, le président de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Debré, a t-il affirmé : « Si les partenaires sociaux ne prennent pas de décision ou si nous estimons que la réforme est mauvaise, je serai le premier sur la liste des signataires et j’inscrirai la loi. »
Profitant d’une fenêtre parlementaire qui lui est réservée, le Parti socialiste a enfin inscrit cette « proposition de projet de loi » (PPL) au calendrier de l’Assemblée nationale, le 12 octobre prochain. Les intermittents en sont bien conscients : à quelques mois des élections présidentielle et législative, il y a fort peu de chances que l’UMP laisse approuver ce projet de loi, contraignant ses parlementaires pourtant signataires du texte à renier leur parole ou à se faire porter pâle. Mais en l’état, le débat parlementaire qui va s’engager est une victoire importante du mouvement des intermittents. En effet, quand une décision jugée illégitime par ceux qu’elle touche en premier lieu, est prise par une instance dont le mode de représentation est éminemment contestable (certains syndicats récents, comme Sud, sont exclus du « paritarisme » ; et le Medef côté employeurs et la CFDT, la CFTC ou la CGC côté salariés ne représentent guère les secteurs du spectacle et de l’audiovisuel), n’appartient-il pas à la représentation nationale de se saisir du conflit et d’y apporter une réponse législative ? Une telle issue n’a que trop tardé. Et le peu d’empressement à s’engager dans cette voie ne s’explique hélas que par des considérations politiques fort éloignées de ce que devrait être un jeu démocratique normal. Il est grand temps que, dans ce dossier embourbé, les élus du peuple reprennent la main sur les gestionnaires de l’Unedic.
Jean-Marc Adolphe
A noter :
La Coordination des Intermittents et Précaires d’Ile-de-France appelle à une assemblée générale, le 9 octobre à 19 h, et à un rassemblement unitaire à l’appel de toutes les organisations participant au comité de suivi, place Edouard Herriot, devant l’Assemblée nationale, le jeudi 12 octobre à 10 h.
Coordination des Intermittents et Précaires d’Ile de France
14/16 quai de Charente 75019 Paris
Jean-Marc ADOLPHE Publié le 05-10-2006