L’ensemble de ces textes à télécharger - ainsi que quelques autres - sont parus dans Reconnaître et poursuivre, Ed. Théâtre Typographique, 2002.
L’archive, dans le film de Farocki Images du monde et inscription de la guerre, est un document qui provient d’un passé (juste) révolu et qui, transmis d’une certaine manière, permettrait de savoir de quelle histoire nous serions les héritiers. Cette manière, c’est une tension permanente entre l’analyse d’un document (le faire parler, le faire voir, le faire entendre) et son agencement à d’autres, qui constitue ainsi « une pensée sur notre monde », en train de se faire.
Il serait temps que la réalité commence et Sans régularité, pas sans règles poursuivent, par l’écriture, son travail entrepris avec ce film. Ils sont constitués des mêmes « dossiers d’archives » bien que certains documents aient disparu, tandis que de nouveaux y sont ajoutés, comme autant de pièces à conviction qui modifieraient imperceptiblement le déroulement de l’enquête.
Avant d’être (de devenir) « une pensée sur notre présent », ce qui est ici à l’oeuvre est une pensée sur son présent : ce qu’il vit agit sur sa pensée. Ainsi en est-il de son déplacement sur l’autoroute pour aller filmer un laboratoire. S’il constate que contrairement au déplacement en train, les trajets monotones en voiture rendent stériles sa pensée, ce constat vient dans un second temps nourrir sa pensée. Et c’est parce que les événements exigent d’être sérieux et de trouver réellement et concrètement des moyens pour en modifier le cours. On peut dire du film de Farocki, ce que Foucault disait du livre, « qu’il ait la désinvolture de se présenter comme discours : à la fois bataille et arme, stratégie et choc, lutte et trophée ou blessure, conjecture et vestige, rencontre irrégulière et scène répétable. »
C’est dans ces tensions qu’il faut entendre « une pensée sur notre présent » (et qu’elle devienne alors une image ?)
Il n’oublie jamais non plus de penser le travail - ses conditions, les rapports de production, etc.
Qu’est ce que la salle de montage parle ainsi autant du lieu de travail que du travail de montage en tant que tel (« dans une salle de montage, le travail et le patronat se rejoignent, on imagine où peut mener une telle rencontre » mais aussi la tension entre « faire revivre des images mortes » et achever définitivement ce qui fait une image.)
Dans Risquer sa vie. Images de Holger Meins, Farocki convoque des souvenirs de son ami, membre de la RAF, mort en prison pendant une grève de la faim. Ces souvenirs (un film de Holger Meins - Oskar Langenfeld -, le rapport qu’il entretenait avec le cinéma, ce à quoi il engage) sont hantés par la question de son renoncement au cinéma - et à tant d’autres choses encore, certainement - pour « s’engager dans la lutte armée ».
Le dernier texte de Farocki propose les éléments qui forment le style de Bresson. Enfin, les deux articles sont des extraits de critiques du film.