Ce régime
spécifique est interprété abusivement comme une « assurance chômage » alors
qu’il s’agit de reconnaître la permanence du travail de création : seule la
visibilité de ce travail est intermittente.
Le « statut » consenti aux artistes et techniciens a défini les conditions
d’invention, de travail, de gestion du temps dont ces métiers ont besoin.
Pour penser il faut pouvoir s’arrêter de produire. Il faut savoir suspendre
pour un temps le spectacle des actes et des décisions. Tout ce qui est
visible a un hors champs. Toute scène a ses coulisses dans l’espace et dans
le temps. Si les coulisses disparaissent c¹est la scène qui disparaît.
Soutenu par ce « statut », des modes de production, des rythmes de création,
des gestes artistiques inédits ont vu le jour grâce aux agencements que
permet l’intermittence. Ces agencements fondés sur la discontinuité et la
mobilité produisent des articulations originales entre artistes,
techniciens, lieux, disciplines, espaces, temps. L’intermittence n’est pas
un purgatoire en attendant de gagner le paradis : la permanence. Articuler
l’intermittence à la permanence c’est articuler le temps de la production au
temps de la pensée.
Le mouvement des intermittents du spectacle a fait des analyses
approfondies. Il est en mesure d’apporter des propositions. Pour en débattre
il faut d’abord suspendre le protocole du 26 juin et ouvrir le chantier
nécessaire de l’art et de la culture tant dans ses formes institutionnelles
et ses lois que dans ses pratiques.
Les assises nationales mises en place par le gouvernement ne peuvent
enjamber le mouvement des intermittents ni le contourner sans anéantir ce
qui fonde nos métiers : produire du sens et de la liberté pour tous. La vie
de l¹art ne concerne pas seulement la vie des artistes mais celle de la
société toute entière. Pour que ces assises aient lieu il faut suspendre le
protocole du 26 juin et renégocier les conditions d’emploi et de
rémunération des artistes et techniciens. Cette fois ci, il faut un accord
accepté par toutes les instances qui devront y être représentées. C’est
pourquoi nous demandons la formation d’une cellule de crise avec obligation
de résultat dès le mois de septembre. Ainsi s’ouvrira un véritable temps
pour la réflexion.
Sans cela ces assises ne seront qu’un énième simulacre de concertation.
Pour l’association « Sans cible »
Robert Cantarella, Roland Fichet, Frédéric Fisbach, Alain Françon, Ludovic
Lagarde, Gildas Milin, Marie-José Mondzain et Pascal Rambert.
P.S. Les signatures (directeurs de structure, directeurs de compagnie) sont
collectées par le theâtre de la colline auprès de Florence Thomas.