Un florilège lu dans Le Monde, en écho à l’abjecte formule vichyssoise, « Le travail c’est la liberté, le plein emploi est possible », du discours d’investiture de Sarkozy à la candidature à la présidence, au siège de l’Ump, en janvier 2007.
Brice Hortefeux : « On n’insulte pas le crocodile avant de traverser la rivière »
LE MONDE | 28.01.09
« Quand il y a une grève en France, personne ne s’en aperçoit » [1], avait lancé en juillet 2008 Nicolas Sarkozy. A l’avant-veille du mouvement social prévu jeudi 29 janvier, l’exécutif essayait de se rassurer. « Il y aura une offre de transport », a assuré mardi sur France 2 le premier ministre François Fillon, « beaucoup plus que s’il n’y avait pas eu la loi sur le service minimum ». Même musique à l’Elysée. « Si tout le monde est en grève, tout devrait s’arrêter. Je ne pense pas qu’il y aura autant de perturbations qu’on le dit », explique un conseiller de l’Elysée.
Prudent, le gouvernement a choisi de calmer le jeu. La grève et le principe de la manifestation ne sont plus mis en cause. « On n’insulte pas le crocodile avant de traverser la rivière », explique Brice Hortefeux, friand de proverbes africains découverts au ministère de l’immigration. Le nouveau ministre des affaires sociales proposera « si nécessaire dans un délai d’un mois des ajustements » sur le service minimum. Le syndicat Sud a été accusé de détourner la loi à la SNCF, en organisant des grèves de 59 minutes qui perturbent fortement le service. M. Fillon a déclaré préférer que la question « se règle sans qu’on ait besoin de toucher à la loi ».
Le gouvernement, qui craint une crise sociétale en France, peine à mesure l’état réel de l’opinion, alors que deux sondages (BVA pour Orange et L’Express et CSA pour Le Parisien) indiquent que le mouvement est soutenu par 69 % des Français. « La popularité de la grève est réelle, mais exactement dans les mêmes proportions que les mouvements précédents » assure M. Hortefeux. « Beaucoup attendent la manifestation pour se compter et mesurer le climat. Les syndicats eux-mêmes n’ont pas de ligne prédéfinie », poursuit-il. L’Elysée estime qu’il s’agira d’« une journée carrée de zéro à 24 heures » et que les syndicats ne sont pas unis sur la suite à donner au mouvement.
« UN PIRE QUE MOI »
« Je comprends vos difficultés », a déclaré M. Sarkozy, mardi. En déplacement à Châteauroux, le chef de l’Etat a jugé « normal que les gens protestent », mais assuré qu’il poursuivrait ses réformes : « Je suis à l’écoute de toutes les souffrances, mais je veux pouvoir regarder en face chaque Français et dire : j’ai été élu pour un travail et je le ferai ». Le ton tranchait avec l’assurance affichée la semaine précédente : « J’écoute ce qu’on me dit mais je n’en tiens pas compte », avait-il lancé à Provins.
A Châteauroux, le but du déplacement était de montrer que l’on peut s’en sortir après avoir été chômeur. M. Sarkozy a visité une entreprise aéronautique, PGA Electronic, fondée en 1989 par trois salariés qui venaient d’être licenciés. Son président-fondateur, Jean-François Piaulet était si volubile qu’il interrompait sans cesse le président. « Je pourrai dire à Carla [2], j’en ai trouvé un pire que moi », a lâché M. Sarkozy.
La visite a été suivie d’une table ronde, devant quelques centaines d’invités triés sur le volet par la préfecture. Des salariés licenciés racontaient leur destin tandis que des spécialistes du social expliquaient les méandres du retour à l’emploi.
Muets, la ministre des finances Christine Lagarde et ses secrétaires d’Etat Luc Chatel (industrie) et Laurent Wauquiez (emploi) dodelinaient de la tête, approbateurs.
Le président a pu réaffirmer son credo. « Le drame, ce n’est pas de perdre son emploi. Le drame, c’est de ne pas en retrouver » ; « la meilleure gestion sociale, c’est d’investir dans l’économie » ; « la réponse au chômage, c’est la formation ».
Et de rappeler que la vie est faite de droits et de devoirs : « La personne au RSA qui refusera deux fois un emploi, on coupe tout » [3].
M. Sarkozy a une nouvelle fois refusé la relance par la consommation : « C’est comme de l’eau dans le sable ».
Arnaud Leparmentier