On le vérifiera avec l’article qui suit, il est des moments où la politique instituée et ses représentants sont contraints de prendre en compte les besoins matériels et subjectifs du grand nombre, et de les prendre en compte autrement qu’à la baillonette et au bâillon, au flash-ball [1] et au bulldozer, à la matraque et à l’intox, ne serait-ce que pour en tenter l’instrumentalisation, ne serait ce que pour prendre le temps de résorber l’intolérable que tout écart d’avec les nécessités du business constitue. Pour l’heure, les tenants de l’ordre social , semblent farouchement décidés à vouer les précaires en tout genre à survivre sans feux ni lieux, décidés à interdire toute possibilité d’organisation à ce qui menace leur pouvoir [2].
Cet article est paru dans CASH, journal des chômeurs et des précaires, n°2, en mars 1986.
Il a été publié ici lorsqu’une [Maison de la grève [3] venait d’être créée à Rennes, à un moment où la coordination des intermittents et précaires (idf) était, une fois de plus, expulsable [4]. Depuis, la maison de la grève rennaise a du pour persister... louer un local et la coordination des intermittents et précaires (idf) a occupé divers bâtiments afin d’aider la Ville à... tenir ses engagements de relogement, jusqu’alors sans succès. La cip-idf n’est plus ce quelle a été. On y croise des qui n’ont pas vécu le conflit de 2003, et elle est devenue nomade, passant d’une occupation à un hébergement solidaire...
Le besoin de lieux d’agrégation, d’expérimentation politique, d’auto organisation ne connait pas de pause ?
- Les Bourses du travail, berceau de l’identité ouvrière - Cash, journal des chômeurs et des précaires, 1986, 6p.
On trouvera également du même journal CASH sur internet :
• Chômer payé !, mai 1985.
• Conseil gratuit, CASH n°1, décembre 1985.
• Les chômeurs c’est la classe, mai 1985.
• L’idéologie est la première arme des exploiteurs, n°3, juin 1986.
• Etudiants, si vous saviez, n°5, janvier 1987.
Et ici, les sommaires de la plupart des journaux ainsi que les pdf.
Archives de l’université ouverte
On se propose en publiant ce texte de documenter certains thèmes abordés lors de l’université ouverte organisée un temps quai de Charente (Paris 19e) [5], ici, des contre-conduites, l’auto-organisation, le refus d’être gouverné.
Des éléments de contexte
L’association des précaires de Paris éditait le journal CASH, où l’on trouve, en 1988, ce qui semble être la première occurrence du néologisme précariat, devenu depuis d’usage relativement courant dans les milieux académiques et syndicaux.
CASH a défendu l’exigence d’un revenu garanti d’un montant au moins égal au SMIC mensuel. Un tel plancher s’appliquerait à qui est en âge de travailler c’est à dire dès 16 ans, scolarisés compris [6]. C’est sur cette base politique que les mouvementistes qui publient le journal réussissent à fédérer un mouvement hétérogène, en une coordination d’un grand nombre d’associations et collectifs locaux, qu’ils soient ou non rattachés aux organisation nationales existantes à l’époque (Syndicat des chômeurs, Fédération nationale des chômeurs). Si certains « réalistes » se refusent à réclamer un revenu au SMIC, le mot d’ordre permet d’ouvrir un débat sur la définitions du travail productif (de valeur) et pour l’égalité (des salaires, du pouvoir). Cette prise en compte des 16 à 18 ans n’avait rien de naturel et elle devra sans cesse être rappelée à des mouvements qui tendaient à négliger « l’entrée dans la vie active », à accepter tacitement de laisser aux « jeunes » la précarisation. Ce « gommage biographique » sépare chacun de sa propre expérience et renforce la demande d’intégration dans et par l’emploi.
C’était peu après l’accession de la gauche au gouvernement en 1981 [7]. Près d’une décennie après le « Plan Barre » de 1976 qui avait institué les stages du mêmes nom, prototypes d’une « insertion » contrainte et sous payée dont d’innombrables variantes seront ensuite mises en oeuvre à une échelle de masse et par delà « les jeunes » eux-mêmes (TUC, SIVP, CES, CAE, CUI, etc.). Depuis 12 ans, « la crise » était l’occasion d’une restructuration de longue durée de la production (fermetures de mines, ports, usines sidérurgiques, développement de l’intérim et multiplication des CDD). Les sociologues finissaient par débattre de « segmentation du marché du travail »...
Ces mouvements de chômeurs et précaires se regroupaient autour de la revendication d’un revenu garanti, cherchant à imposer la création de « supports sociaux » (l’expression est du sociologue Robert Castel [8]), à disposer d’une liberté matérielle qui permette de résister à l’exploitation et au commandement capitalistes (emploi/entreprise/salaire), et d’expérimenter et de développer des activités nécessaires.
Jeunes marginalisés et exploités. Chômeurs stigmatisés et appelés à disparaître
En octobre 1988, le gouvernement Rocard fait adopter par une assemblée nationale unanime une loi instaurant un revenu minimum d’insertion (R.M.I). Cette réponse étatique à une crise de légitimité du pouvoir vise officiellement à « refaire société », là où l’« exclusion » aurait défait les liens. De fait, depuis 1982, sous la gauche déjà, la durée de l’allocation chômage dépend du temps d’emploi antérieur alors que les CDD forment les 3/4 des embauche et que leur durée ne permet souvent pas d’ouvrir des droits à allocation. Près d’un chômeur sur deux n’est donc pas indemnisé. On parle de « nouveaux pauvres ». Devenue visible, la pauvreté scandalise tandis que dans le même temps, de composites mobilisations de chômeurs et de précaires revendiquent un revenu garanti pour tous.
Le droit à un faible revenu concédé par l’état est pour sa part conçu comme transitoire. Et la gauche d’affirmer de nouveau que la croissance et l’emploi résorberont le chômage... Minimal, mais aussi productiviste, travailliste et xénophobe, le dispositif est strictement contingenté, déterminant un vaste réservoir de population parmi laquelle généraliser l’emploi précaire.
• Sous couvert de dignité, et contrairement aux lois européennes similaires, cette loi ne s’applique pas aux moins de 25 ans. Des centaines de milliers de jeunes chômeurs dépourvus d’allocations, et, plus largement, tous les entrants dans le salariat en sont écartés.
• Les étudiants sont également (réputés) exclus du dispositif (à moins de contourner la loi).
• Ce revenu n’est pas individuel mais familial. L’ouverture de droit et son montant dépendent tous deux du revenu du ménage. Ce qui contraint nombre de femmes à l’emploi à temps partiel et au SMIC horaire.
• Seuls les étrangers ayant déjà séjourné deux ans légalement dans le pays y ont accès, le R.M.I relève d’une « préférence nationale » socialiste (avec l’aval du PCF, des Verts et des partis de droite à l’assemblée) qui ne dit pas son nom.
Néanmoins, grâce à la dramatisation de l’enjeu qui s’est opéré au fil des années 80, la réforme autorise sur une base déclarative le versement d’une « avance sur droits supposés » de la moitié du montant théorique avant même que ne soit bouclé l’épais dossier administratif qui conditionne l’ouverture de droit. De plus, le « contrat d’insertion » négociable que la loi comporte n’est guère coercitif. Il peut acter les besoins et attente réelles des ayants droits, sans que s’impose nécessairement la centralité de l’emploi. Résultat, la population concernée s’avère bien plus importante que ce que les experts avaient prévu, et l’insertion passe au second plan, le manque de contrat signés devenant pour des décennies le principal témoin de ce que le mécanisme destiné à précariser aura toutefois été pour partie détourné avec l’afflux de demandeurs.
CASH cessera de paraître peu après cette victoire à la Pyrrhus qu’a représenté l’adoption du RMI en octobre 1988. Ce n’est qu’en 1994, lors des marches de chômeurs et de précaires lancées suite à la création d’AC !, qu’une nouvelle mobilisation collective significative aura lieu. Là aussi, la revendication d’un revenu garanti fera fonction d’axe structurant de la mobilisation, par delà les structures et organisations particulières.
1996 : Le 19 septembre à Perpignan, une manifestation organisée à l’initiative d’AC ! s’est achevée par une tentative d’occupation du Conseil général des Pyrénées-Orientales, peu avant d’être dispersée par la police. Le Président socialiste du Conseil général, Christian Bourquin, avait en effet annoncé vouloir imposer aux allocataires du RMI du département des heures de travail non rémunérées. La suite : Notre insertion contre la leur ! Cargo.
À gauche poubelle, précaires rebelles - Cargo, mai 1998
Intermittence et précarité, conférence de presse avec Jean-Luc Godard, Bunker du festival de Cannes (2004)
2010 :
Blocage à Normale sup’ contre la précarité
Du contrôle des chômeurs au chômage sous contrôle : Pôle €mploi, une €ntreprise parmi tant d’autres
Pourquoi la grève à Pôle emploi - CFDT, CFTC, CGT, SNU Pôle emploi FSU, Solidaires Sud emploi
Aux parisiens et gens d’alentours - Du temps libre sinon rien. Interluttants no 30, novembre 2010
Déchetterie de St-Ouen, le blocage de la Tiru continue
La Maison de la Grève de Rennes appelle à une coordination des assemblées inter-professionnelles
Aux Parisiens et gens des alentours, prenons la rue
Un soviet à Amiens, vidéo • « Nous avons besoin de lieux pour habiter le monde » : l’assemblée générale interprofessionnelle de Rennes au TNB
Appel aux troupes !
Les raffineries ne redémarreront pas
Le harcèlement quotidien du pouvoir économique et politique s’accélère - Fac de Caen
Quelle retraite pour les précaires ? Quelle grève pour les chômeurs ?
Retraite : à 95 ans, je n’aurai pas mes trimestres
Comme Maryvonne à Brest, va falloir pointer à Pôle emploi à 80 piges
Lundi 25 octobre
Appel à celles et ceux qui ne veulent pas accompagner la réforme des retraites mais la combattre - MCPL / SUD étudiants Rennes
Pas de retraite pour les précaires, y a-t-il une vie avant la mort ?
Après des milliers d’arrestations de cet automne 2010, lors de la mobilisation contre l’attaque dune autre forme de revenu garanti, le droit à pension de retraite, les procédures judiciaires se multiplient. Des condamnations à de la prison ferme ont commencé à tomber.
Donc, si ce n’est fait, prenez connaissance et diffusez ce
Pense-bête « manif & garde à vue »
Pour ne pas se laisser faire :
Intermittence du spectacle, permanence CAP, Conséquences de l’Application du Protocole Unedic : cap[at]cip-idf.org
Permanence Précarité : permanenceprecarite[at]cip-idf.org
Lundi de 15h à 18h, à la coordination des intermittents et précaires
Commune libre d’aligre, Paris 12e, Tel 01 40 34 59 74