Je voulais partager mon indignation quant aux méthodes mercantiles de Monsieur Greg Germain, président de l’association Avignon Festival et Compagnies.
D’abord il faut rappeler qu’il n’est pas directeur du Off - abus de langage- comme le précise pourtant son portrait Wikipedia ; le Off, faut-il le préciser, est historiquement un ensemble non qualifiable de spectacles, événements artistiques et autres rencontres professionnelles ou culturelles qui bénéficie de la tenue du In et de son public. Il est vrai qu’aujourd’hui « l’à côté du In », le Off, est comme un véritable co-festival, un très grand événement en soi.
Nombre de spectateurs et professionnels se déplacent aujourd’hui strictement pour le Off. Des associations existent pour organiser, informer, etc...les compagnies du Off qui le souhaitent. L’association AF&C a fait en sorte en 2006 (sur les cendres de 2003) de prendre l’ascendant de cette organisation.
En somme, « le Off » n’est pas une marque déposée. Tout spectacle ou événement non-inscrit à cette association (aux coûts et aux contreparties lourdes pour les compagnies qui se battent déjà pour louer un créneau dans une salle, héberger et peut-être même payer ses employés) fait partie du Off. Ainsi, Monsieur Greg Germain N’EST PAS DIRECTEUR DU OFF. Il est président de l’association incontournable, au sens péjoratif du terme, qui domine et même qui détient le presque monopole de la coordination du Off.
Une fois dit cela, on comprendra mieux la position de pouvoir dans laquelle Monsieur Greg Germain se tient - et compte bien se tenir encore longtemps. Et ses craintes à l’approche de juillet.
Nul n’ignore la colère actuelle des intermittents et des acteurs culturels dans leur majorité.
À Avignon, la CIP Avignon, a du forcer la main de l’association AF&C pour obtenir une tribune de 15 minutes lors de sa conférence de presse, pour exprimer son inquiétude, ses propositions et sa détermination vis-à-vis du projet de l’accord inique de l’UNEDIC du 22 mars. Pour couper court à leurs déclarations, il a donné la parole à ses invités en disant : « on va laisser parler les autres intermittents », cherchant à diviser les artistes présents. Ce qui a provoqué un tollé de la part de ces « autres intermittents » qui n’ont pas manqué de manifester leur adhésion aux déclarations qui venaient d’être faites.
Il était donc déjà vérifiable que ceux-là même qui font le Off et pour lesquels l’association AF&C est censé travailler : les artistes et les techniciens, intermittents ou non, étaient méprisés.
Peu après, l’association souveraine présidée par Monsieur Greg Germain envoie aux 1083 compagnies adhérentes un mail qu’il leur demande si elles envisagent de jouer lors de la tenue du festival.
Qu’est-ce que cela induit ?
Plus de 75% des compagnies financent elles-même, sans argent public, leur venue au festival, fonctionnant ainsi avec une économie dite « privée ». À l’inverse du Festival In par exemple.
Leur demander (date limite le 18 juin minuit- date à laquelle se réunit Le Conseil National de l’Emploi (CNE) pour agréer la convention Unedic qu’ils veulent rendre applicable au 1er juillet, comme par hasard) si elles joueront ou non en juillet, revient à leur demander aujourd’hui, alors même que nous ne savons pas si le gouvernement va bouger sur ce qui nous préoccupe, alors même que nous ne savons pas si le Festival In aura lieu, si les compagnies adhérentes veulent sacrifier les dizaine de milliers d’euros que leur ont d’ores et déjà coûté leur venue à Avignon.
Ce serait comme choisir de se suicider avant même de savoir si son cancer est curable.
Il ne s’agit pas ici d’un gentil sondage, mais d’un abus de pouvoir dangereux !
• D’abord en établissant une liste de deux camps très en amont : les futurs-grévistes et les non-grévistes. Si la mission de l’association AF&C est « le souci constant du respect des compagnies, du public et des lieux », de « créer une maison commune », il provoque d’ores et déjà la division, redoutable climat dont tous les professionnels et le public ont atrocement souffert en 2003.
• Il précise de plus que quelque soient les réponses, « les services d’Avignon Festival & Compagnies, association collégiale et paritaire seront ouverts et nos actions pour la bonne marche du festival maintenues dans leur intégralité. » Ce sondage induit donc plutôt de savoir si on reste solidaire à l’association à laquelle on a adhéré qu’à connaître véritablement nos intentions. Il induit de même que les compagnies qui feraient grève ou qui annuleraient seront dissidentes et non solidaires.
• La réponse des compagnies ne peut pas être guidée par leur convictions aujourd’hui, alors même qu’elles sont en plein préparatifs. Cette question hors de propos et si précoce dicte une réponse régit par la crainte, par la peur.
Peur de ne pas présenter son spectacle aux professionnels.
Peur de ne pas présenter son spectacle au public.
Peur de ne jamais se relever financièrement.
• Monsieur Greg Germain - et l’association qu’il préside - induit aussi qu’il est un festival. Qui a une vision, une ligne artistique et politique.
Il ne représente qu’une association prestataire de services, au sens noble du terme.
Quel orgueil et quel affront pour le Festival Uzès Danse par exemple, qui peut faire - structurellement - et a fait ce choix terrible mais courageux d’annuler cette année !
Quel orgueil et quel affront pour le festival Le Printemps des comédiens, par exemple, où chaque jour l’équipe du festival et les compagnies invitées votent la grève ; où plusieurs compagnies ont annulé leur spectacle !
L’association AF&C que préside Monsieur Greg Germain ne peut légitimement pas organiser d’Assemblée Générale.
Il revient à chaque compagnies de se positionner intimement quand elles le décideront et comme elles le voteront.
• À la troisième et dernière question « Envisagez-vous de jouer » ?, il n’ose pas la question, la radicale, la frontale, la vraie question - qui fait mal - : « Annulerez-vous ? »
Et il évite ainsi toute possibilité avec cette question fermée de demander si nous envisagerions la grève.
Et grand bien lui en prend, car le droit de grève, droit inaliénable, doit se prendre avec tous les travailleurs d’une équipe de spectacle ; avec par exemple, les techniciens des lieux qui nous accueilleront. La question pourra et sera donc poser uniquement début juillet.
Quel est donc le but de ce sondage ?
Au-delà du cynisme et de l’égoïsme qu’il confère à son auteur, nous assistons à une démarche intéressée et orientée, qui deviendra pour Monsieur Greg Germain et l’association AF&C, un outil de communication destinée au grand public qui lui permettra d’affirmer : le Off aura bien lieu, les fauteurs de troubles n’auront pas raison de notre bel événement.
Qui, aujourd’hui, souhaite que les festivals de France n’aient pas lieu cet été ? Personne !
Et encore moins Monsieur Greg Germain et son association, qui voit dans ce conflit uniquement son manque à gagner.
Mais quelle immonde posture que de se positionner machiavéliquement comme juge du conflit qui nous touche. Qui est-il pour distribuer des bons points à ceux qui joueront ?
Car il est certain que nombreux décideront de jouer, malgré leur désaccord viscéral avec le traitement du MEDEF pour nous, artistes et techniciens, intermittents ou non.
C’est un ABUS DE POUVOIR.
Un pouvoir de « maître du Off » que s’octroie Monsieur Greg Germain par le truchement de son association AF&C. Un pouvoir qui le grise. Un pouvoir qui nous nuit.
Il est aujourd’hui le temps de la force solidaire, de l’union pour se battre pour la qualité et l’intégrité de nos conditions de travail, mais aussi celles des intérimaires, des précaires, des chômeurs et des travailleurs, durement attaquées par le MEDEF et ceux qui jouent son jeu.
Alors, n’agréons pas ce sondage insultant et soyons libres d’entreprendre, de réfléchir, d’agir et de créer.
Maxime Le Gall, 30 ans, comédien, intermittent par intermittence.
« Et je suis cette ombre rescapée (...) que vous avez recueillie, cachée, logée, nourrie. Soyez bénie. (...) Mais je me terre dans votre hospitalité depuis trop longtemps. Je n’en peux plus. J’étouffe. J’ai besoin de respirer pour être sûre que j’existe encore. »
in Le Complexe de Thénardier, José Pliya