Le 1er avril 2014, le président de l’assemblée des départements de France, la déléguée générale à l’emploi et à la formation professionnelle et le directeur général de Pôle emploi ont signé un protocole qui définit un partenariat pour les quatre prochaines années (2014-2017).
L’enjeu est de mieux articuler nos réponses face aux problématiques d’insertion sociale et professionnelle que rencontrent nos publics au quotidien. L’accompagnement global doit permettre la prise en charge conjointe des besoins sociaux et professionnels par un conseiller Pôle emploi et un professionnel du travail social de manière simultanée. L’idée semble intéressante...mais en poussant l’analyse et en nous référant aux définitions de nombreux dictionnaires, la simultanéité signifie « dans le même temps », « au même moment ». Dès lors, l’accompagnement global devient virtuel en l’absence de l’usager qui ne possède pas le don d’ubiquité.
Les départements et Pôle emploi se donnent pour but d’accélérer le retour à l’emploi des demandeurs d’emploi les plus fragilisés. Pôle emploi s’est engagé à mettre à disposition 1000 conseillers à l’accompagnement global. Les départements se sont engagés à désigner des correspondants sociaux et pourront s’appuyer sur la réallocation des ressources antérieurement consacrées au financement d’actions portées par le Pôle emploi.
Ces deux partenaires comptent mobiliser les fonds européens pour financer cet accompagnement global.
Comme nous en informe un tract de novembre 2014 des Matermittentes, Sud Culture, la CIP et Recours Radiation : si Pôle Emploi et les chômeurs se dématérialisent, le chômage, lui, s’enkyste. Celles et ceux qui le vivent doivent prouver inlassablement qu’ils cherchent où se « nichent » les emplois, culpabilisés de ne pas en trouver, sous peine d’être radiés [1]. Il est dénoncé la numérisation des services du Pôle Emploi, l’expérimentation du télétravail pour les agents dans plusieurs régions et la fermeture à la chaîne d’agences (6 pour la région Rhône Alpes).
Le département de Seine-Saint-Denis appliquera dès février 2015 le protocole national. Les assistantes sociales deviendront ainsi des « correspondants sociaux » ayant une lourde responsabilité : celle de résoudre le chômage par l’accompagnement social en leur demandant de participer à la remise à l’emploi des personnes, coûte que coûte et à l’exploitation de leur vie par le travail !
Cette injonction de contrôle social nous est rappelée par le ministre du travail : C’est négatif pour ceux qui recherchent des emplois d’être à côté de personnes qui ne cherchent pas d’emploi, donc je demande à Pôle emploi de renforcer les contrôles. Cette mission nécessite un état d’esprit différent, des convocations et des vérifications (...). Sinon on est radié. Il n’est pas possible, dans un pays qui est en difficulté, qui veut se redresser, qui porte le travail, d’avoir des gens qui ne cherchent pas d’emploi [2].
On trouve sur le site internet de Pôle emploi, un des principes fondateurs de l’approche de cet accompagnement global : repositionner chaque acteur dans son « cœur » de métier : L’insertion sociale pour les conseils généraux et l’insertion professionnelle pour le Pôle emploi.
Ce principe sous entend qu’un conseiller de Pôle emploi ou une assistante sociale du département feraient plus ou pas assez dans son cœur de métier respectif.
A travers cet accompagnement global, toute une batterie de surveillance des agent-e-s et des chômeu-r-se-s sera déployée pour suivre les démarches entreprises, les actions proposées dans un objectif d’efficacité et de résultats qui se traduira par des indicateurs de suivi et des données quantitatives d’évaluation (encore et toujours de la quantophrénie [3] !).
Pourtant nos institutions, par leurs réformes et l’absence de « considérations politiques » (qui concernent le peuple), nous empêchent de faire nos métiers comme nous savons le faire : recevoir physiquement et régulièrement les personnes, ne pas les transformer en données informatiques et statistiques, en colis ballottés d’un hôtel à l’autre, faute de logement.
Pour justifier les dotations d’État, les départements attendent des travailleurs sociaux qu’ils signent à tour de bras des C.E.R. (contrats d’engagement réciproques) avec les bénéficiaires du R.S.A.
Pour glaner les subventions du FSE et les financements du programme opérationnel national pour l’emploi et l’inclusion en métropole, les départements et Pôle emploi construisent une usine à gaz.
Comme l’écrivent encore les collectifs dans un autre tract, nous ignorons le pourquoi et le comment du déficit de l’UNEDIC qui se creuse inexorablement. Nous savons que nos contributions servent à payer des intérêts d’une dette qui n’est pas la nôtre, et financent un service public de l’emploi qui n’en a plus le nom [4].
Non contents de laisser des familles à la rue, de radier des personnes, de décider à leur place, de leur ôter tout libre arbitre, le département et Pôle emploi exigent de leurs agents qu’ils soutiennent ces projets.
Nous en appelons au rassemblement des différentes forces que sont la CIP Coordination des intermittents et précaires), les Matermittentes, Recours Radiation, les associations de chômeurs et les syndicats pour refuser ce protocole, synonyme de contrôle social des pauvres et des chômeurs.
Bobigny, le 12 janvier 2015
Syndicat SUD des personnels du Département de Seine Saint-Denis, Union syndicale solidaires
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