La journée du 16 juin 2016 marque une étape sur le terrain du droit des chômeurs.
La convention de 2014 est prorogée par l’Etat suite à l’échec des négociations. Certains syndicats comme la CFDT acceptent les propositions du MEDEF de poursuivre la casse des indemnisations des chômeurs, mais ils réclament en contrepartie une augmentation des cotisations patronales. C’est la raison du blocage.
Dans le même temps, malgré l’opposition du MEDEF et de la CFDT, l’accord signé le 28 avril concernant spécifiquement les intermittents est, lui, acté.
Paradoxe ? Erreur de parcours ?
L’accord du 28 avril sur les annexes 8 et 10 et sa prochaine validation par décret de l’Etat aurait dû tous nous réjouir.
Enfin un système plus mutualiste, plus égalitaire. Enfin un retour à une indemnisation sur 12 mois avec date anniversaire. Enfin la prise en compte des heures d’enseignement, jusqu’à 70h. Enfin un minimum pour l’allocation journalière. Enfin le retour dans l’intermittence de milliers de personnes qui n’arrivaient plus à faire leurs heures.
Tout cela, nous le réclamions depuis 2003.
Nous avons multiplié les actions et les occupations, nous avons analysé, discuté, élaboré en commun. Nous avons démontré qu’un système plus mutualiste, plus juste est possible. Après 13 années de hautes luttes, nos propositions sont entendues.
Pourtant, une fois le premier mouvement de contentement, cette nouvelle nous laisse un goût amer.
Les grandes lignes paraissent favorables mais nous savons que le diable se cache dans les détails. De fait, l’État a l’entière liberté des conditions de mise en application de l’accord.
Par ailleurs, sa participation financière est entourée d’un flou savant. Selon Manuel Valls, l’allocation journalière minimale et la prise en compte des maladies longue durée et des congés maternité font d’ores et déjà partie de la cagnotte. Quant à Mme El Khomry, elle a laissé entendre que l’État pourrait financer l’écart entre les économies demandées par la lettre de cadrage et les économies effectivement réalisées. Cette somme pourrait atteindre les 100 millions d’euros annuels.
Cette participation est une nouvelle étape dans la sortie progressive de la solidarité interprofessionnelle vers une caisse autonome d’assurance chômage. Celle-ci conduirait purement et simplement les annexes 8 et 10 à leur perte. Tant que nous y sommes, pourquoi ne pas glisser vers une caisse privée ?
Face à un État qui multiplie les signes de collusion avec le patronat, face à l’administration de l’UNEDIC réglée par le MEDEF, la gestion de l’assurance chômage doit revenir à tous ceux qui cotisent et qui en bénéficient.
Une goutte de mutualisme dans un océan de précarité.
Cet accord sur les annexes 8 et 10 se met en place dans le même temps qu’est prorogée la convention sur l’assurance chômage de 2014. Celle-ci lamine les intérimaires et accentue la pression sur les chômeurs. Et les nouvelles négociations qui pourraient reprendre à la rentrée 2016 laissent présager le pire : le projet du Medef et de la CFDT est de réduire encore plus les indemnisations des personnes en contrat court. Les intermittents du spectacle se retrouvent seuls à bénéficier d’un régime qui répond aux pratiques d’emploi discontinu.
Le gouvernement cherche à cliver le mouvement contestataire en constituant un secteur de privilégiés. Mais nous ne sommes pas dupes. Ce n’est certainement pas le soi-disant sauvetage de « l’exception culturelle à la française » qui apaisera notre rage face au mépris et à la provocation.
Nous rappelons que nous luttons pour un élargissement du régime de l’intermittence à tous les précaires, à l’indemnisation de 10 chômeurs sur 10, à ne pas faire d’économies sur les indemnisations, à la fin de la mainmise du MEDEF dans l’UNEDIC, contre les logiques de contrôle à Pôle Emploi.
Ils ne se débarrasseront pas de nous comme ça.
À un an des présidentielles de 2017, à deux semaines des festivals d’été, et dans le contexte de mobilisation générale contre la loi « Travaille ! », le décret du gouvernement concernant les annexes 8 et 10 s’inscrit dans un jeu de calendrier : il s’agit clairement d’éteindre un foyer potentiel de résistance lorsqu’il aurait pu être un relais de la contestation en marche depuis quatre mois.
La loi « Travaille ! » constitue une véritable régression sociale. Elle nous concerne tou.te.s, chômeur.se.s comme travailleur.se.s, précaires comme salarié.e.s du régime général. Elle s’inscrit comme une enième pierre ajoutée aux politiques taillées par des technocrates européens sous l’égide des puissances financières. Contre la loi « travaille ! » et son monde, nous continuons à nous mobiliser.
La criminalisation des mouvements sociaux en cours ne nous arrêtera pas. Nous luttons contre les violences policières et l’état d’urgence permanent. Nous exigeons l’abandon des poursuites à l’encontre de tous les inculpés du mouvement social et la libération de celles et ceux actuellement incarcérés.
Parce que tout est lié, parce que nous ne sommes pas résignés, nous continuons à lutter. Nous choisissons notre temporalité, nous agissons avec fantaisie, nous expérimentons, inventons, nous nous réinventons, nous nous associons à toutes celles et ceux qui partagent nos envies. Et nous n’aurons de cesse d’insister.
Le 27 juin 2016,
Coordination des Intermittents et Précaires d’Ile de France