Edit : Relaxe des 3 camarades poursuivis pour séquestration.
Edit : le procès du 3 octobre est reporté
Ces dernières semaines, à Paris...
Actuellement pour un migrant, l’arrivée en France relève du parcours du combattant.
Un premier tri se fait entre les migrants dit « économiques » et ceux dit relèvant du statut de réfugié. Pour ces derniers, un tri se fait par nationalité (les chances d’obtenir une protection sont par exemple plus grandes pour un Syrien que pour un Soudanais...).
Ces derniers temps, les difficultés se sont encore accrues. Il est impossible d’accéder dans les trois jours après son arrivée sur le territoire, comme cela est prévu par la loi, aux plateformes permettant de démarrer les démarches de demande d’asile, celles-ci étant saturées et ne recevant qu’au compte-gouttes. Cette première étape est pourtant cruciale, car elle permet aux migrants d’être protégés lors des contrôles de police, qui sont d’autant plus fréquents quand on vit à la rue, comme c’est le cas pour quasiment tous les nouveaux arrivants.
La prise en charge par l’État pendant l’étude de la demande d’asile devient elle aussi souvent théorique, et dans la réalité beaucoup arrivent au bout de leur démarche, pouvant durer jusqu’à un an, sans avoir reçu aucune aide.
Depuis plusieurs semaines, des centaines de migrants survivent tant bien que mal à Paris, répartis sur trois campements, l’un avenue de Flandre, l’autre au niveau de la Rotonde à Stalingrad et le troisième au niveau du métro à Jaurès, à côté de FTDA (France Terre d’asile), association où les migrants peuvent démarrer leur démarche de demande d’asile.
Sur ces trois campements, les migrants sont depuis début août harcelés par la police. Un matin, les uns sont raflés, le lendemain, il s’agit des autres, avec à chaque fois avec un déploiement démentiel de policiers, toujours violents, au moins verbalement. Après un passage au commissariat ou dans une annexe de la préfecture de police, les migrants sont remis à la rue avec en prime une OQTF (obligation de quitter le territoire) pour tous ceux ne pouvant prouver une démarche de demande d’asile en cours. Sachant qu’à Paris actuellement il faut camper plusieurs semaines devant France Terre d’asile pour espérer obtenir simplement un RDV et être alors seulement inscrit comme demandeur d’asile, beaucoup reçoivent donc une OQTF qui, si elle n’est pas contestée, peut permettre une expulsion rapide (parfois les migrants nous racontent que le policier a déchiré leurs papiers, ou encore qu’on les a forcés à donner leurs empreintes, allant jusqu’à très récemment casser la main de l’un d’entre eux pour les obtenir.)
La préfecture a choisi ce nouveau mode d’intervention, véritable stratégie de harcèlement, au milieu de l’été, quand les soutiens se font plus rares et qu’aucune réelle mobilisation ne peut se mettre en place.
Le samedi 6 août, un rassemblement a bien été organisé mais n’a pu se tenir, la police empêchant les migrants de s’y rendre.
Le 12 août au matin, après quinze jours de harcèlement policier quotidien, alors qu’une énième rafle a lieu sur le campement situé devant FTDA, les migrants n’ayant pas été embarqués décident de manifester leur colère. Ils occupent la chaussée pour aller rejoindre les migrants des deux autres campements et ils décident tous ensemble spontanément de bloquer la circulation au niveau du carrefour de Stalingrad. La police essaie de les en empêcher mais eux se divisent en petits groupes, passent d’une rue à une autre, déterminés à rester là. Après avoir joué pendant deux heures au chat et à la souris de nombreux renforts policiers arrivent, les migrants décident de retourner sur le terre-plein central pour éviter un affrontement violent. Ils sont alors nassés par la police. Quelques soutiens, quelques passants les ont rejoints au fil de la matinée et restent là solidairement. L’un d’entre eux filmant la scène est interpellé violemment (il fera une garde à vue de vingt-quatre heures et est convoqué pour un procès le 25 novembre), d’autres subiront un contrôle d’identité. Ces contrôles d’identité servent apparemment de base pour que quelques personnes soient convoquées au commissariat pour participation délictueuse à une manifestation non déclarée.
Emmaüs contre la solidarité : procès en appel le 3 octobre
Ces derniers jours plusieurs personnes ont été convoqué-es ou ont reçu des convocations au commissariat à la suite de manifestations de solidarité avec les migrants. Depuis le début de la lutte des migrants, en juin 2015, l’État cherche à invisibiliser et disperser les migrant-es tout en réprimant la solidarité. De nombreuses personnes solidaires en ont fait les frais que ce soit à la frontière italienne, à Calais ou à Paris.
Au cours de l’été 2015, à Paris, après de nombreuses évacuations de campements, de plus en plus de migrant-es se retrouvent dans des centres d’hébergement gérés par des associations humanitaires, Emmaüs, Aurore...
Très vite, les migrant-es se voient confrontés à de nombreux problèmes : absence de suivi de leur demande d’asile, de nourriture, de transport, interdiction des visites et parfois, personnel raciste et méprisant. Dans ces centres, les personnes sont totalement dépossédées de leur vie et privées de toute autonomie.
L’année dernière, en août 2015, des migrant-es hébergé-es dans un centre Emmaüs de la rue Pernety décident de commencer une grève de la faim pour protester contre leurs conditions de vie [1] : ils et elles se sentent totalement isolées et oublié-es, leurs démarches n’avancent pas, la nourriture est périmée, les lave-linge en panne, pas de kit d’hygiène... Bien loin des promesses qui leur avaient été faites lors de leur expulsion de la Halle Pajol (18e arrondissement). Le lendemain, ils et elles prennent contact avec des personnes solidaires rencontrées sur un campement et leur demandent de se rendre sur place.
Les migrant-es font savoir au personnel qu’ils et elles souhaitent rencontrer les personnes qui leur ont fait les belles promesses pour qu’elles comparent avec la réalité. Un sit-in se met en place dans le Hall d’entrée du centre. Les employé-es d’Emmaüs appellent leur hiérarchie. La police arrive rapidement sur les lieux, l’association humanitaire ayant crié à la séquestration. Les trois personnes solidaires et un migrant-traducteur sont embarqué-es, placé-es en garde-à-vue pendant 48 h puis transféré-es au dépôt avant d’être libéré-es sous contrôle judiciaire en attente d’un procès [2]. En octobre 2015, ils et elles écoperont de 4 mois de prison avec sursis plus des amendes pour les employé-es d’Emmaüs qui s’étaient porté-es parties civiles.
Les trois personnes solidaires et le migrant-traducteur ont fait en appel de cette décision. Le parquet et les employé-es d’Emmaüs également.
Le procès aura lieu le 3 octobre à 13h30 prochain au TGI de Paris.
Venez nombreux et nombreuses dans la salle d’audience pour les soutenir !
La solidarité est une arme !
Liberté de circulation et d’installation !