Répondre aux objections du public, jeu de questions/réponses

lundi 17 avril 2006
Dernière modification : lundi 17 avril 2006

- Qu’est-ce qu’il se passe, pourquoi on sort de la salle ?

- C’est encore un coup des intermittents !

- Houuuuuu, moi j’ai payé ma place pour voir ce spectacle, et vous m’en privez !

- Déjà, ce spectacle n’aurait jamais pu voir le jour sans l’aide financière que représente le régime de l’intermittence. Le régime de l’intermittence c’est la répartition des cotisations sociales pendant les périodes non embauchées. Il faut savoir que le coût de création d’un spectacle est plus grand que ce que vous voyez sur le plateau le jour de la représentation, il
comprend l’écriture, la préparation, les répétitions, la fabrication des éléments scéniques, et le travail des équipes administratives et techniques,...

- Oui, mais moi j’ai quand même payé ma place !

- Le coût des places en France, comparé aux autres pays occidentaux, est inférieur, car il est partiellement subventionné soit par des attributions institutionnelles, soit par l’intermédiaire de cette redistribution qu’est l’intermittence. Mais c’est surtout, l’offre de spectacles, quels qu’ils soient, qui est très riche en France comparé au reste du monde : par exemple, il y a 50 spectacles de théâtre à Londres contre 500 a paris, 300 films programmé a Paris, contre 50 à Los Angeles !

- Mais il y a trop d’offres comparé à la demande !

- Quel est le secteur le plus générateur de richesses en France aujourd’hui ?<br<
Les matières premières, il n’y en a pas, la grande industrie se développe surtout en Chine ou en Allemagne. Le plus grand secteur économique en France, c’est le tourisme, et essentiellement le tourisme culturel et patrimonial. Chaque spectacle ne fait pas seulement vivre les intermittents, mais aussi, les hôteliers, les cafetiers, les artisans, les transports, les commerces de proximité...Par exemple pour 1 donné en subvention pour le festival d’Avignon, c’est 3 de gagné pour les hôteliers et restaurateurs de la région !

- Alors pourquoi ils sont toujours au chômage ?

- L’indemnisation chômage a été crée a un moment où il u avait peu de chômeurs et où le secteur culturel concernait peu de gens. Il s’agissait de garantir une continuité de revenus notamment pendant les périodes de trous d’activité, a des personnes ayant des employeurs multiples et des périodes d’emploi discontinues.
Puis, avec la décentralisation, les politiques culturelles, l’accent a été mis sur la construction de bâtiments publics, sans prévoir de fonds pour la création des spectacles et la rémunération de troupes permanentes.
Du coup, le système d’indemnisation des intermittents est devenu un moyen de financer la création des spectacles reçus dans ces bâtiments. Sans l’intermittence, la plupart des théâtres de province seraient des boites vides.

- Ca ne me dit pas pourquoi ils sont au chômage si le secteur est si fort.

- Ca n’est pas du chômage effectif, ce sont des périodes de travail non assujetties à un contrat de travail pendant lesquelles on cherche et apprend les textes, on se forme, on progresse dans notre discipline, on évolue et surtout on cherche de nouveaux projets, car lorsqu’un projet est terminé, on n’a pas de garanti sur ce que l’on fera après. Les intermittents, en général ont très peu de vacances, très peu de moments hors de leurs activité professionnelles. La plupart des activités artistiques demande un grand investissement dans la vie de tous les jours.

- Mais il y a quand même des fraudeurs qui en profitent !

- Certes, mais les règlements n’ont un sens qu’a partir du moment où une société civile les discute, les initie, les met en pratique et les critique. Ca vaut pour la nationalité, les retraites, les impôts, les lois en général. Les usages à la marge des lois ont en général plus de conséquences sur la société quand elles sont pratiquées a grande échelle. Le sens des lois et des conventions collectives est leur adéquation à la vie réelle des citoyens.

- OK, mais en quoi ça vous donne le droit de venir empêcher des collègues de
travailler ?

- En ce moment, et depuis quelques années, il y a des remises en question récurrentes de ce régime en même temps que de tout les autres droits sociaux. Il faut comprendre que comme chacun, les artistes et les techniciens intermittents on construit des vies en fonction des droits qui leurs étaient acquis, ils ont fondé des familles, emprunté, construits des compétences, des carrières, et soudain, on prive les plus faibles de cette assurance de vivre normalement. Exactement comme dans les autres secteurs de l’indemnisation chômage ou des retraites.

- Oui, mais le chômage c’est trop cher pour la société !

- En effet, les réformes sont annoncées comme voulant faire des économies, mais toutes celles engagées depuis deux ans sont dans la réalité plus coûteuses et ignorantes des conséquences humaines qu’elles engendrent. En fait le fondement politique de ces reformes est d’exclure un maximum de bénéficiaires, mais ce n’est qu’un transfert de coût vers les collectivités locales. Ceci plutôt que de mieux répartir et plafonner les indemnisations.

- Mais le chômage a un coût quand même !

- C’est sûr, mais tout travail a aussi un coût, chaque activité a un coût, en terme d’argent, de destruction, de pollution. On ne compte jamais combien coûte en réalité une activité économique (en bâtiment, entretien, chauffage, en transports,...). Dans cette situation, on ne peut pas faire s’affronter le coût d’une vie contre celui d’une autre vie, sans se poser la question de la qualité de la vie en société.

- C’est quand même à chacun de se battre pour trouver de quoi vivre !

- Justement, trouver de quoi vivre, c’est trouver des endroits ou on peut réfléchir, concrétiser des envies, faire des choses en commun, développer des ressources personnelles, bref, cultiver son accès au bonheur et à la compréhension du monde.

Commission de travail de l’AG du Théâtre de la Colline du 20 décembre 2005

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