dimanche 21 février 2010
Dernière modification : mardi 11 décembre 2018
Les pierres, contrairement aux échecs, ont toutes la même valeur. D’ailleurs, en elles-mêmes, elles ne sont rien. Lorsque deux pierres de même couleur sont adjacentes, elles forment une chaîne de pierres. C’est une sorte de famille ; si une pierre doit disparaître, la chaîne disparaît en entier. Ensuite vient le groupe, notion encore élargie de la chaîne. Ici, plusieurs chaînes, non strictement reliées entre elles, occupent un même espace, et participent à un même projet. On peut, contrairement à la chaîne, se faire prendre une partie de son groupe seulement, et conserver l’autre partie.
Si toutes les pierres sont équivalentes au départ et à l’arrivée (chacune vaut un point), leurs valeurs stratégiques tournent au sein de la partie. À un moment donné, certaines pierres sont très importantes, et le deviennent moins après. L’erreur stratégique consiste évidemment à ne pas donner à ces pierres-là l’occasion de transmettre ailleurs l’énergie qu’elles possèdaient. Les pierres de coupe (séparant deux chaînes de la couleur adverse) par exemple, ont beaucoup de valeur. Il est intéressant de les maintenir en vie afin de diviser l’adversaire le plus longtemps possible. D’une manière générale, au-delà de la pierre, il y a la frontière dont elle fait partie, le territoire qu’elle borde, les zones où elle a de l’influence, et qui sont contenus dans cette pierre-là. Au Go, comme dans le Tao, l’énergie ne provient pas de l’individu mais de l’interaction des individus entre eux.
En début de partie, avec quelques coups seulement tu chercheras à verrouiller des espaces vides. Ainsi ces vides seront à toi. Le partage des territoires (que tu ne rempliras qu’à la fin) se dessinera au plus vite en filigrane dans les coins et sur les bords, à cause des frontières naturelles. Le centre du Goban, où personne ne joue tout d’abord, est une sorte de vide, de zone d’interactions où tous les groupes viendront se frictionner ensuite.
Extrait de L’univers et les stratégies du jeu de Go, Frédéric Donzet entretien avec Anne Timbert paru dans Chimères, n°51, automne 2003 :
A propos de territoires existentiels :