mercredi 12 octobre 2011
Dernière modification : mercredi 12 octobre 2011
Ces dernières années, les expulsions de logements se multiplient dans nos quartiers. Cet été fut particulièrement exemplaire, avec l’expulsion de plusieurs centaines de personnes à Montreuil au 94 rue des Sorins et d’une trentaine de personnes à Bagnolet au 178 rue Robespierre. Ces personnes s’organisent pour résister, ils demandent des logements et des papiers. L’objectif de ces expulsions est assurément de dégager les populations les plus pauvres.
Comme l’avouera un élu de Bagnolet, la préfecture avait décidé de « nettoyer le secteur », faisant de l’expulsion des squats une « politique prioritaire ». Les pouvoirs publics ont évidemment attendu les vacances d’été pour les réaliser, comme si ces expulsions étaient moins scandaleuses en été qu’en hiver (en 2010, le squat du 92 rue Victor Hugo à Bagnolet avait été expulsé en plein hiver).
Alors que les opérations immobilières s’accélèrent dans les deux villes, de plus en plus de personnes sont mises à la rue. Ces expulsions récentes ne sont pas des histoires isolées. Elles préparent le terrain avant la signature d’un nouveau plan d’urbanisme et d’investissement dans le bas Montreuil et le quartier des Coutures à Bagnolet entre l’Etat et les mairies : le « PNRQAD Montreuil-Bagnolet », (Plan National de Requalification des Quartiers Anciens Dégradés). Un plan associant préfecture, communes et promoteurs prévoit la destruction de dizaines d’immeubles, l’éviction de commerces, la percée de nouvelles rues, la construction de milliers de mètres carrés de bureau et d’habitations, par conséquent le déplacement de centaines de personnes. Sur ce plan dit de « requalification », on sait très peu de choses. Les mairies de Montreuil et Bagnolet informent la population au compte-goutte, sur les conseils avisés d’agences de Com [1] bien rémunérées. Les documents rendus publics sont très flous alors que ceux détaillant minutieusement la démolition/reconstruction du quartier restent inaccessibles aux premiers concernés. Pourtant, sous nos yeux, la transformation du quartier a déjà commencé à travers de nombreuses expulsions et le non- renouvellement des baux locatifs ou commerciaux.
Les mairies de Montreuil et de Bagnolet s’apprêtent à signer la convention cet automne. Les prochains conseils municipaux devraient voter de nouvelles mesures (« Zones d’Aménagement Concertées ») concernant cette reconstruction. Une fois de plus, les habitants des quartiers se retrouvent à ne rien pouvoir décider de ce qui les concerne directement. Mais cette restructuration n’est pas inéluctable. Nous pouvons nous organiser pour nous y opposer.
Certes, les promesses de meilleures conditions de vie tentent de rendre le projet acceptable, mais la réalité est toute autre : de nouveaux logements vont être construits, mais le nombre de relogements pour les habitants concernés est loin d’être à la hauteur des destructions prévues.
Pour certains, le plan de « requalification » du quartier est déjà une réalité : les habitants de Bagnolet du 178 de la rue Robespierre expulsés, ceux à Montreuil de la rue des Sorins aussi, les Rroms de Bagnolet de la rue de l’Avenir menacés d’expulsion. Ceux qui avaient trouvé à se loger dans les immeubles dégradés du Bas Montreuil et du quartier des Coutures à Bagnolet, les plus vulnérables du fait de leur situation administrative (beaucoup sont sans-papiers), sont les premiers à faire les frais de la restructuration du quartier. Pour eux, aucun plan de relogement...
Pour d’autres, le plan prévoit la destruction de leur immeuble ou une rénovation telle qu’ils devront s’en aller. Alors qu’il existe déjà une liste prévisionnelle des immeubles promis à la destruction, les premiers concernés n’en savent toujours rien. Alors que déjà dans certains immeubles les baux ne sont pas renouvelés, les habitants ne se voient proposer aucune solution de relogement.
Pour tous les habitants de ces quartiers, la rénovation va impliquer un accroissement important du coût de la vie. Les loyers vont augmenter (ils sont déjà tellement chers...) et les commerces populaires seront chassés au profit de commerces inabordables. Ce qui à terme augmentera la précarité de la population actuelle et provoquera son départ forcé. Progressivement, le quartier sera transformé pour accueillir une population aux revenus nettement plus élevés. Rue de Paris, un squat a déjà été viré pour laisser place au restaurant « Pomme de pain ». A quand les baguettes à 1,50 € ? Le plan prévoit aussi la construction de milliers de mètres carré de bureaux.
Un des objectifs est que les cadres des entreprises habitent et consomment sur place – les autorités parlent « d’éviter l’évasion commerciale des cadres ». D’où l’ambition de transformer le quartier pour qu’il plaise à cette nouvelle population : petits restaurants un peu chics, commerces branchés et plus chers... Les autorités tentent de vendre le projet en agitant la promesse de la construction de « logements sociaux ». Quand on entend « logement social », on pense « logements pour les plus démunis ». C’est sans savoir que certains « logements sociaux » sont accordés à des personnes qui gagnent plus de 2300 € par mois ! En réalité, il existe trois types de logements sociaux [2], dont un seul concerne vraiment des personnes ayant relativement peu de moyens (et encore...) Une bonne partie des logements sociaux est donc destinée aux classes moyennes. A Paris, au nom de ce qu’ils appellent la « mixité sociale », le « logement social » a en fait bien aidé à l’embourgeoisement des quartiers et à terme à exclure tous les pauvres [3]. Ce d’autant plus que parmi les logements sociaux annoncés, il est très probable que certains soient provisoires. En effet, dans ce genre de rénovation urbaine, il arrive souvent qu’en échange d’avantages financiers offerts aux promoteurs, la mairie impose que des logements soient loués à des prix modérés. Mais cet accord ne dure que quelques années : au bout d’un certain temps, les logements « sociaux » peuvent redevenir des logements classiques (avec les prix du marché). Le nombre de logements sociaux d’un quartier peut donc diminuer au fil des années. Les personnes habitant dans ces logements seront alors à nouveau déplacées. C’est une forme de « transition douce », selon leurs mots, une façon moins visible de faire changer la population progressivement.
Les mairies, l’Etat à travers les préfectures, sous couvert de lutter contre l’insalubrité, vont détruire des immeubles entiers pour pouvoir construire des logements à des prix inaccessibles à la majorité de la population. Ils commencent par dégager les plus précaires, les sans-papiers, les squatteurs, les gens qui ne peuvent plus payer leurs loyers. Ils s’assurent ensuite auprès des propriétaires des immeubles concernés qu’ils ne renouvellent pas les baux locatifs afin que les pouvoirs publics n’aient pas à reloger leurs locataires.
L’Etat, la police, les mairies, les promoteurs régissent la ville et ceux qui y vivent, pour toujours pouvoir faire plus d’argent. Ce qu’ils veulent construire c’est un quartier plus lisse, plus contrôlable, plus riche. Un quartier sécurisé rempli de bureaux, de banques et de bars lounge. Un quartier pour cadres, avec restos chers et boutiques bio. Comme ailleurs, la rénovation a pour but de créer des espaces rentables à l’économie capitaliste et mieux gérables par l’Etat.
Tout cela aux dépens des pauvres pour lesquels la vie sera trop chère pour rester. Qu’on soit ou non directement expulsé, on devra partir toujours plus loin de Paris.
Ce n’est pas pour dire que c’est mieux aujourd’hui, effectivement beaucoup de logements sont en mauvais état et en plus on paye des loyers. S’opposer maintenant à ces projets, c’est lutter contre ces transformations, pour que les gens ne soient pas obligés de s’en aller ; c’est résister à ces logiques conçues pour enrichir une petite partie de la population.
Des formes d’organisation, de résistances et de luttes ont existé et existent encore face à l’augmentation du coût de la vie, à la chasse aux pauvres : constitution de collectif(s) de quartier pour faire face aux administrations, agences immobilières, propriétaires, promoteurs. Mais aussi pour perturber des conseils municipaux et des « réunions de concertation », pour exiger des logements, pour résister ensemble aux expulsions, pour organiser des grèves de loyers et occuper des maisons vides....
C’est pour discuter de tout cela et tenter de s’organiser ensemble que nous appelons à une réunion publique Mardi 18 octobre 2011 à partir de 20h au Casa Pobla- no, 15 rue Lavoisier, Montreuil (métro Robespierre).
Contact : degage-onamenage riseup.net
Nous ne représentons aucun parti et aucun syndicat et nous ne voulons pas être représentés.
Le 94 rue des Sorins, c’était un très grand bâtiment squatté depuis 2008 par 300 personnes. Début mai 2011, les habitants apprennent qu’ils sont expulsables. Ils se mettent à lutter contre leur expulsion et demandent des logements et des papiers. Beaucoup de personnes se montrent solidaires. Dès qu’ils commencent à se mobiliser, les habitants sont la cible d’un harcèlement policier : la police arrête plusieurs jours de suite des sans-papiers dans les rues autour du squat.
A la toute fin du mois de juillet 2011, les habitants sont expulsés. Des dizaines d’entre eux sont alors arrêtés ; dix sont enfermés au centre de rétention de Bobigny puis re- lâchés. Suite à cela, des dizaines d’obligations de quitter le territoire ont été délivrées.
Les anciens habitants décident pour la plupart de rester ensemble et de continuer à lutter. Ils campent d’abord une nuit place de la Fraternité, puis restent presque un mois square de la République, et sont aujourd’hui sur un stade de foot boulevard Chanzy. Durant ces quelques mois, les Sorins ont organisé un rassemblement devant la mairie, plusieurs manifestations à Montreuil, participé à des manifs à Paris, lancé des rassemblements devant les ambassades de différents pays, appelé à des réunions avec des soutiens, fait des points d’infos tous les jours et des repas de soutien chaque semaine.
Préfecture et mairie ont déjà reçu des habitants des Sorins. La préfecture a refusé de considérer leur demande de logement et de régularisation, et leur a dit d’être le moins visible possible. Quant à la mairie, après avoir demandé que ces personnes soient expulsées, elle les avait encouragées à faire des milliers d’euros de travaux « d’hygiène et de sécurité » chez eux, juste quelques semaines avant l’expulsion. Ensuite, elle leur a conseillé l’endroit qu’ils occupent à présent (un endroit où presque personne ne les voit). Aujourd’hui, elle prétend qu’elle les soutient tout en disant qu’elle ne peut rien faire pour eux !
Point d’info tous les jours à 18h
Tous les vendredi soir, repas de soutien à 19h, Boulevard Chanzy, le stade est juste au-dessus du terrain de pétanque (c’est à l’angle avec la rue des Sorins)
Envoyer un mail à cette adresse permet d’être tenu au courant des différentes initiatives : sorinsenlutte yahoo.fr
Cet encart date du 2 octobre. Il est possible que les gens des Sorins quittent le stade d’ici peu, mais rien de sûr. Si c’est le cas, l’information sera donnée via le mail.
Le 178 rue Robespierre était squatté depuis une quinzaine d’années et a été racheté en 2009 par la mairie de Bagnolet. Il figure sur la liste des parcelles concernées directement par le projet de restructuration.
Fin juillet 2011, le 178 se fait expulser. 26 personnes à la rue. Une petite manifestation a lieu le soir même pour protester. Plusieurs des expulsés décident alors de camper devant le bâtiment avec leurs affaires. Ils restent là jour et nuit et demandent à être relogés et pour certains à avoir des papiers.
De temps en temps, ils lancent de petites initiatives publiques auxquelles viennent quelques soutiens : rassemblement le premier jour de la destruction de leur bâtiment, réunion d’information, manifestation jusqu’au forum des associations de Bagnolet, rassemblement devant la mairie...
Régulièrement, les anciens habitants se rendent à quelques-uns à la mairie. Ils sont parfois reçus, on leur fait quelques promesses, qui varient au fil des jours, et n’ont jamais mené à rien de concret.
Un jour, début septembre, les autorités viennent les menacer. Ils seraient trop visibles, il faut qu’ils enlèvent leur banderole, et leurs bâches. Deux jours après, ils sont expulsés du trottoir. Certains sont arrêtés, emmenés au commissariat, on leur colle des amendes de plusieurs centaines d’euros.
Les expulsés décident de réoccuper le trottoir. Mi-septembre, ils sont à nouveau expulsés. Aujourd’hui, après trois expulsions, les habitants sont dispersés ; on ne sait pas ce qui va advenir.
Une adresse mail existe pour se tenir au courant des éventuelles suites : robespierre_enlutte yahoo.fr
Outres les textes qui précédent le 4 pages comporte des illustrations et le plan de restructuration des quartiers du Bas-Montreuil et des Coutures à Bagnolet :
[1] Par exemple, l’agence Techné-cité a été payée près de 80 000€ par la ville de Montreuil pour une « mission de concertation ». En réalité, il s’agissait de faire accepter le projet d’urbanisme aux habitants.
[2] A titre d’exemple, voilà des plafonds de ressources correspondant aux trois types de « logements sociaux » (ressources annuelles imposables d’un foyer composé d’une personne seule) :
• 12163€ (soit 1014€ par mois) pour les logements PLA-TS, PLA-I et PLA-LM
• 22113€ (soit 1843€ par mois) pour les logements PLUS, HLM, PALULOS PLA
• 28747€ (soit 2396€ par mois) pour les logements PLS.
[3] À ce propos on lira avec intérêt Le logement social à la parisienne d’Anne Clerval.
La coordination a dû déménager le 5 mai 2011 pour éviter une expulsion et le paiement de près de 100 000 € d’astreinte. Provisoirement installés dans un placard municipal de 68m2, nous vous demandons de contribuer activement à faire respecter l’engagement de relogement pris par la Ville de Paris. Il s’agit dans les temps qui viennent d’imposer un relogement qui permette de maintenir et développer les activités de ce qui fut de fait un centre social parisien alors que le manque de tels espaces politiques se fait cruellement sentir.
Pour contribuer à la suite :
• faites connaître et signer en ligne Nous avons besoin de lieux pour habiter le monde.
• indiquez à accueil cip-idf.org un n° de téléphone afin de recevoir un SMS pour être prévenus lors d’actions pour le relogement ou d’autres échéances importantes.
Pour ne pas se laisser faire, agir collectivement :
Permanence CAP d’accueil et d’information sur le régime d’assurance-chômage des intermittents du spectacle, lundi de 15h à 17h30. Envoyez questions détaillées, remarques, analyses à cap cip-idf.org
Permanences précarité, lundi de 15h à 17h30. Adressez témoignages, analyses, questions à permanenceprecarite cip-idf.org
À la CIP, 13bd de Strasbourg, M° Strasbourg Saint-Denis
Tel 01 40 34 59 74