Répression des luttes de réfugiés et paroles creuses

jeudi 10 septembre 2015
Dernière modification : jeudi 8 octobre 2015

L’heure est aux grandes déclarations officielles.

Après avoir affirmé soutenir le peuple syrien insurgé, sans lui permettre d’avoir les moyens effectifs de se défendre contre les bombardements du clan Assad, après des années d’une politique libérale à l’intérieur et post-coloniale à l’extérieur menant à la situation actuelle d’exode massif, on prétend vouloir soudain accueillir les réfugiés tout en réprimant les militants qui les soutiennent concrètement, dans la rue ou là où ils sont parqués ici et maintenant.

À la suite d’une action solidaire le 12 août 2015 avec les migrants hébergés au centre d’accueil Losserand à Paris 14è, action officiellement condamnée par l’Etat, la Ville de Paris et Emmaüs Solidarité [1], quatre de nos camarades se retrouvent aujourd’hui sous contrôle judiciaire, après 65h de privation de liberté. Ils passeront en procès le 9 octobre prochain, sous le coup d’accusations de « séquestration » et de « refus de prélèvement biologique ».

Nous dénonçons ces arrestations et demandons la relaxe immédiate de ces quatre personnes.

Les expulsions de bidonvilles, de squats et de campements n’ont pas cessé tout au long de l’été [2]. Fin août, plusieurs dizaines de familles ont été expulsées du « Samaritain » à la Courneuve et laissées sans solution. La semaine dernière, le collectif Baras a été violemment délogé d’un nouveau lieu qu’il occupait aux Lilas. L’évacuation du square Jessaint le 4 septembre a laissé sur le carreau 80 migrants. Ils occupent depuis le parvis de la mairie du 18è à Paris, encerclés par des policiers qui avaient pour consigne, lors des premières nuits, de ne laisser passer ni vivres ni couvertures [3] !

Nous rappelons que le gouvernement « socialiste » met en place depuis fin juillet une série de réformes [4] qui durcit l’accueil des demandeurs d’asile et entrave leur circulation : raccourcissement des délais d’appel en cas de refus, assignation à résidence, droit de communication octroyé à la préfecture vers des organismes médicaux, sociaux et bancaires...

Divers collectifs solidaires se sont constitués autour de la question de la dignité des conditions d’accueil des migrants, du respect de leurs choix et de leur auto-organisation [5]. Cette mobilisation se heurte à une volonté obstinée des pouvoirs politiques qui prétendent confier leur gouvernement aux seules « associations humanitaires » officiellement reconnues. Les migrants qui s’organisent sont accusés d’être « manipulés » : le procès du 9 octobre remet en cause la capacité de fédérer d’autres soutiens que ceux agréés par les autorités.

Ce qui est nié, c’est la nature politique des revendications des réfugiés qui sont, de par la législation actuelle et la volonté politique du pouvoir, sans papiers, donc sans droits. En leur refusant dans les faits la possibilité de s’auto-organiser, on refuse à ces exilés l’application en France de leurs revendications : la liberté, la démocratie, la dignité.

Augmentation de la précarité (les sans-papiers constituent la plus corvéable et jetable des mains-d’oeuvre), paupérisation accrue (les demandeurs d’asile n’ont pas le droit de travailler en attendant le traitement de leurs dossiers), volonté de mettre en conflit les intérêts des usagers - les réfugiés - et des employés - ceux des associations censées les accueillir et particulièrement sous-équipées -, atomisation et répression des luttes collectives, clivage des initiatives dénonçant le double langage du gouvernement « socialiste » et de son premier ministre, tels sont les axes partout à l’oeuvre dans les politiques mises en acte par le pouvoir.

La Cip-Idf se déclare solidaire, comme elle l’a été depuis 2003, des luttes des sans-papiers et des réfugiés.

Refusons le délit de solidarité et la criminalisation des luttes collectives !
Relaxe pour les inculpés du procès du 9 octobre !


Appel SUD Culture Solidaires

Les 7 et 9 octobre, soyons solidaires face à la répression des soutiens aux luttes des migrant-es.

SUD Culture et Médias Solidaires

Depuis les évacuations, parfois violentes, de différents campements de réfugié-es dans Paris ces derniers mois, la situation de ceux-ci/celles-ci, relogé-e-s dans des centres d’hébergement ou à l’hôtel, restent toujours des plus précaires.
Les conditions de prise en charge laissent dans la plupart des cas à désirer : absence de suivi juridique et médical, peu ou pas de tickets de métro, nourriture insuffisante... Le 12 août dernier, les migrant-es hébergé-es dans le centre d’Emmaüs Solidarité rue Raymond Losserand, ont commencé une grève de la faim pour protester contre les conditions indignes qu’ils et elles subissaient en contradiction avec les promesses faites par le directeur de l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) lors de leur évacuation de la halle Pajol.
Le soir même, quatre militant-es, dont deux camarades de SUD Culture Solidaires, présent-es dans ce centre pour soutenir à leur demande les réfugié-es, ont été arrêté-es et placé-es en garde à vue durant 48 heures puis déféré-es. Ils/elles sont convoqués devant le tribunal le 9 octobre prochain pour « séquestration » et « refus de prélèvement d’ADN ».
Notre organisation syndicale apporte son entier soutien à l’ensemble des camarades poursuivi-es, fait part de sa consternation face à l’attitude d’Emmaüs Solidarité en cette occasion, dénonce une politique répressive cherchant toujours plus à criminaliser toute action de solidarité envers les réfugié-es. Elle exige l’abandon immédiat de l’ensemble des poursuites à l’encontre des quatre militant-es poursuivi-es et le respect des différents engagements pris envers les réfugié-es. Elle réclame la liberté effective de circulation et d’installation des personnes, l’arrêt immédiat des expulsions, la régularisation immédiate de tous/toutes les « sans » papiers", l’autorisation de séjour et de travail sur simple demande, avec une carte de séjour de 10 ans, la fermeture des centres de rétention et abolition de toute rétention administrative, le droit d’asile en application de la convention de Genève art. 1

Elle appelle à se rassembler pour appuyer les 4 militant-e-s poursuivi-e-s :
• Le mercredi 7/10, à 17h30, place Marguerite de Navarre, métro Châtelet-les-Halles (lignes 1, 4, 7, 11, RER A, B, D).
• Et surtout vendredi 9/10, à partir de 9h et jusqu’à 14h, place du Châtelet, métro Châtelet-les-Halles.

Soyons nombreux/ses a soutenir les camarades poursuivi-es !

Notes :

[2On trouve une chronologie assez complète à ce sujet sur Paris-luttes.info

[3Le parvis a été évacué le 17 septembre. Voici le communiqué de presse publié le 19 septembre et signé par « des migrants témoins ayant fui l’hébergement » : Nous réfugiés avons fui des situations critiques, nos vies étaient menacées, nous avons migré dans des conditions catastrophiques et risqué nos vie chaque jour. Beaucoup d’entre nous sont morts en traversant le désert et la mer. Le peu qui est arrivé en France espérait une vie digne sur cette terre d’asile et des droits de l’homme comme elle est présentée dans les médias. Mais, l’accueil a été la misère des rues, la clochardisation, la pluie, le froid, et le dénuement.
Après l’évacuation du campement de la mairie du 18ème, nous avons été amenés dans un centre d’hébergement d’urgence où tous les engagements des autorités et de l’administration se sont avérés faux. Lors de notre arrivée au chu de nanterre, annexe de l’hôpital psychiatrique, la vision était surprenante et terrifiante pour nous, à cause de la laideur, et des nombreux malades dont l’état nous inquiétait. Nous ne sommes pas descendus du bus par crainte. L’administration nous a demandé de choisir 3 d’entre nous pour visiter les dortoirs à l’intérieur du centre et faciliter le dialogue. Les 3 réfugiés ont confirmé que l’endroit n’était pas convenable et non conforme aux promesses des responsables intervenus le matin même avant l’évacuation du campement.
Lorsque nous avons tous refusé d’accepter cet hébergement à cause des conditions indignes, la police est intervenue sur ordre des autorités. Ils ont alors interpellé les 3 personnes désignées pour discuter avec l’administration et faciliter le dialogue en ce qui concerne l’hébergement. L’administration a usé de ruses contre nous et a employé 50 policiers pour nous effrayer et exercer des pressions. Ils ont pris les 3 que nous avions choisis, la police les a emmenés à un endroit inconnu et nous n’avons plus eu de nouvelles d’eux.
Le cauchemar ne s’est pas arrête là, nous sommes restés enfermés durant plusieurs heures dans le bus. Ils ont interdit l’accès aux toilettes, et nous ont affamés, pour nous obliger à accepter cet hébergement. Nous avons été choqués de l’attitude et du comportement inacceptable de l’état français envers les réfugiés.
Au final certain réfugiés ont accepté cet hébergement contraire à la dignité humaine mais sous la contrainte.
Nous autres vu des mauvaises conditions avons délaissé ce centre, et avons préféré l’errance.
Nous ne demandons que le respect de nos droits humains et une vie digne. Nos droits ne sont pas des exigences élevées. Nous ne demandons qu’un logement dans des conditions normales et dignes, et la reconnaissance de notre statut de réfugiés, dans les pays qui prétendent respecter les droits de l’homme.

[4On peut se reporter à l’analyse qui en est faite par le Collectif des étudiant-e-s étrangers de Lyon, sans papiers et solidaires

[5Par exemple, en solidarité avec les migrants de la Chapelle : lire ici sur le site Sans papiers ni frontières

Adresse originale de l'article : http://cambouis.cip-idf.org/spip.php?article7837