lundi 11 avril 2016
Dernière modification : lundi 11 avril 2016
Ce 31 mars, le mouvement contre la loi travail [1] a une nouvelle fois pris de l’ampleur en réunissant plus d’1,2 millions de manifestant.e.s. Après plusieurs semaines de mobilisation des lycéen.ne.s, étudiant.e.s et salarié.e.s dans toute la France, la colère s’organise et ouvre de nouvelles perspectives. Autour de ce projet de loi s’est cristallisé un ras-le-bol général contre la précarité et contre le fait que nos conditions de travail ne cessent de se dégrader.
Nous, enseignant.e.s-chercheur.e.s et/ou chercheur.e.s non-titulaires de l’ESR, (docteur.e.s sans postes, doctorant.e.s sans financement, vacataires, contractuel.le.s, ATER...), comme d’autres, connaissons bien cette précarité.
Caractère dérogatoire des vacations qui privent d’un certain nombre de droits sociaux, vacations payées des mois plus tard, aberration de devoir payer notre propre employeur pour pouvoir travailler à travers les frais d’inscription, délais d’attente ubuesques des allocations chômage, décalage de l’entrée en vigueur des contrats doctoraux et d’ATER par rapport au début des enseignements entraînant un décalage d’un à plusieurs mois du versement du premier salaire, conditions matérielles et psychologiques de travail dégradées, suppression d’un mois de salaire pour les contractuel.le.s enchaînant sur un poste d’ATER, contrats antidatés, situations de travail gratuit, annulation à la dernière minute de vacations attribué.e.s à des doctorant.e.s qui n’ont pas d’autres moyens de financement, dépassement des heures de service sans rémunération complémentaire, pressions et pratiques de censure, etc.>br>
Bref, autant de situations qui feraient l’objet de condamnations pénales et/ou prud’homales en-dehors du secteur public.
Réuni.e.s en AGs ou en collectifs, nous nous mobilisons depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois, pour l’amélioration de nos conditions de travail, immédiatement et à long terme, dans de nombreuses institutions (Aix-Marseille, Bordeaux, Lyon 2, Nord, Paris 1, Paris 8, Poitiers, Science Po Paris, Strasbourg, Toulouse...).
Ces dernières semaines, nous nous sommes impliqué.e.s de diverses manières dans le mouvement contre la loi travail. Nous sommes déjà le futur que nous prépare la loi El Khomri.
Ces situations de précarité, que la loi travail en tant qu’offensive idéologique majeure va renforcer pour l’ensemble des travailleur.e.s, du public comme du privé, ne sont pas acceptables.
Nous, précaires de l’ESR, nous nous engageons dès ces prochains jours à :
amplifier les mobilisations locales, sectorielles des précaires de l’ESR, en les articulant avec la mobilisation contre la loi travail,
affirmer notre solidarité avec les étudiant.e.s grévistes parfois réprimé.e.s,
nous mobiliser contre le projet de loi travail et pour conquérir de nouveaux droits pour les enseignant.e.s/chercheur.e.s précaires de l’ESR et d’ailleurs, et faire respecter ceux existants.
Nous avons passé du temps à partager nos expériences de travail précaire, à échanger sur nos conditions de travail dégradées. Il s’est vite imposé qu’il nous fallait à tout prix éviter l’isolement et la gestion individuelle de ces conditions de travail inacceptables ! Nous avons pour certain.e.s construit collectivement des revendications, et il reste difficile de les porter localement, pris.e.s dans les logiques d’individualisation, d’atomisation, de domination et de concurrence propres à notre situation de travail [2]]. Nous décidons alors de tout mettre en œuvre pour nous organiser collectivement et à l’échelle nationale, affirmant ainsi, malgré des réalités locales diverses, notre unité et notre solidarité.
C’est pourquoi nous appelons l’ensemble des non-titulaires de l’ESR :
à se constituer en collectifs locaux et/ou en assemblée générale pour discuter de la mobilisation en cours et de nos conditions de travail,
à construire des solidarités locales et nationales avec nos collègues BIATSS et enseignant.e.s-chercheur.e.s/chercheur.e.s titulaires ainsi qu’avec les étudiant.e.s, participant ainsi à visibiliser nos situations de travail,
à discuter de l’organisation d’une première rencontre nationale des non-titulaires de l’ESR mobilisé.e.s,
à rejoindre et diffuser cet appel, à prendre contact avec nous.
La précarité affecte nos vies. Elle est aussi au-delà des réalités individuelles un mode de gestion dramatique des institutions : la précarité est aujourd’hui une base forte de l’organisation du travail dans l’ESR qui attaque et transforme les conditions de recherche, d’étude, de travail et d’emploi.
Dès aujourd’hui, nous appelons à une première journée d’action nationale des précaires de l’ESR le mercredi 13 avril selon des formes d’actions à décider localement : semaine sans précaires, rassemblements, actions, assemblées générales, débats...
Il nous faut sortir des routines et des clivages habituels, investir d’autres espaces pour parler et nous écouter. Cette journée sera le point de départ de ce qui devra être une nouvelle étape dans la mobilisation des non-titulaires de l’ESR, s’appuyant sur les expériences passées de mobilisations et des organisations syndicales et professionnelles.
Premiers signataires :
Assemblée Générale des précaires de l’ESR de Paris 8 et institutions rattachées
Collectif des enseignant.e.s/chercheur.e.s précaires d’Aix-Marseille
Assemblée Générale des doctorant.e.s de Paris 1
Collectif des précaires de Toulouse Le Mirail
Collectif PAPERA (Pour l’Abolition de la Précarité dans l’Enseignement Supérieur, la Recherche et Ailleurs)
Assemblée Générale des doctorant.e.s et enseignant.e.s précaires de Sciences Po Paris
Collectif de précaires de l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines
Les étudiants en lutte de l’université de Strasbourg
Le collectif des doctorants de Paris-Sorbonne
L’Association Dicensus – Défense et Information des Chercheurs et Enseignants Non Statutaires de l’Université de Strasbourg
Le collectif des précaires de l’INED
Le collectif des doctorant-e-s et précaires de l’université d’Amiens en lutte
Le Collectif contre la précarité de l’EHESS
Les doctorants du Centre Européen de Sociologie et de Science Politique
Le collectif des précaires de l’ESR de Poitiers
Association des sociologues de l’enseignement supérieur
Une AG parisienne est prévue le 13 avril à 17h à la BNF pour celleux ayant la possibilités de s’y rendre
Event fb
Site du collectif Précaires de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche
Pour prendre contact avec nous : contact [at]precairesesr.fr
[1] Un point de vue théorique situé : Lutte contre le travail - Mario Tronti.
[2] Il s’agit d’une situation générale à laquelle il est aujourd’hui difficile de faire exception : Le gouvernement des individus - Université ouverte 2008-2009.
Contrepoints.
• La déprolétarisation était une politique d’individualisation, de construction des intérêts individuels et de leur mise en concurrence. Son but était d’affaiblir, autant que possible, l’expression collective des classes laborieuses, toujours supposées dangereuses.
Aujourd’hui, les politiques néolibérales n’affichent ni le même vocabulaire, ni le même programme que les ordolibéraux. Elles n’en gardent pas moins le souci de l’individualisation et de la concurrence pour les exacerber dans la figure de l’entrepreneur individuel qu’elles introduisent aussi dans le social.
Extrait de Déprolétarisation et nouvelle prolétarisation - Enquête collective.
• Dix Thèses sur l’Université Productive - Cristal qui songe, 1997