La précarité, c’est pas du cinéma

jeudi 14 avril 2016
Dernière modification : vendredi 15 avril 2016

Ce matin 14 avril 2016 ou 45 mars selon le calendrier de la Nuit Debout, intermittents, RSAstes, précaires, étudiants, salariés, avec ou sans papiers, en lutte contre la Loi Travail, ont interrompu à 10h30 les préparatifs de la Conférence de Presse du Festival de Cannes.
L’occupation de la scène a permis aux manifestants d’obtenir un temps de parole après l’arrivée des journalistes à 11h, devant 800 personnes, dont environ 400 journalistes.
Le texte qui suit a été diffusé à l’ensemble des présents, dans la salle et à l’entrée.

La précarité, c’est pas du cinéma

Dans ce secteur plus qu’ailleurs, pas de production sans emploi flexible, pas de chiffre d’affaire sans la disponibilité à l’enrôlement productif de l’intermittence.

Une question reste posée : est-ce aux salariés à l’emploi discontinu de payer la flexibilité ?

Après quarante ans de chômage de masse et de précarisation, le mythe du plein emploi et sa version édulcorée, « la création d’emploi », sont à nouveau invoqués pour mettre en concurrence la population, au nom de la raison économique. On cherche par tous les moyens à nous acculer à un chacun pour soi suicidaire. Au nom de l’emploi - et implicitement, au nom du droit au travail – le gouvernement entend par sa Loi travail faire imploser le droit du travail. Une fois de plus, il faudrait accepter davantage de flexibilité et moins de droits.

Parmi les mauvais coups qui ont précédé cette ultime tentative de renversement du droit du travail en droit du capital, il a été décidé de précariser davantage les chômeurs, intermittents et précaires. Que près de 6 chômeurs sur 10 soient dépourvus d’allocations chômage ne suffit pas ! Un plan gouvernemental vise 800 millions d’économies en coupant dans les droits et les indemnités des chômeurs.

Devançant les « négociations » de l’assurance chômage, le président de la République a dès janvier lancé les hostilités. Il a décrit l’indemnisation du chômage comme étant des plus « généreuses » et appelé à de « raisonnables efforts » pour résorber un « déficit » à l’existence contestable, les cotisations étant largement supérieures aux indemnités versées. Une fois l’offensive lancée, les experts de la Cour des comptes ont rempli leur rôle, maquillant les mécanismes d’un « déficit » de l’Unedic dont il s’agissait avant tout de dramatiser l’ampleur. Divers hiérarques socialistes ont fait chorus. La ministre du Travail a suggéré d’instaurer la dégressivité des allocations chômage et brandi la menace : une réduction insuffisante du déficit par les partenaires « sociaux » conduirait l’État à refuser d’agréer le protocole Unedic et à « reprendre la main » pour imposer sa convention chômage, son plan d’économie contre les chômeurs.

Le ministère du Budget a esquissé des scénarii : diminuer de 100 jours la durée d’indemnisation toucherait 400 000 personnes ; un jour d’emploi ne vaudrait plus un jour indemnisé mais 0,9, ce qui réduirait les droits de 947 000 allocataires ; diminuer l’indemnisation de 57 % à 49 % du salaire brut antérieur affecterait 1,28 million de chômeurs. Pour les intermittents qui dépendent des annexes 8 et 10, une lettre de cadrage prévoit 185 millions d’euros d’économie pour la seule année à venir et 400 millions d’euros à l’horizon 2020 !

Cette attaque, encore plus violente qu’en 2014, vise clairement la disparition du régime des intermittents.

« Mon ennemi c’est la finance » ? L’énoncé a pris sens. Il suffit de prolonger la phrase. L’ennemi, c’est la « finance » des pauvres, des précaires et des salariés : 40 milliards de crédits d’impôt aux entreprises... et les intérimaires aux droits rabotés ; 1 800 000 « chômeurs en activité à temps réduit » subissent les dommages des « droits rechargeables » ; le SMIC HORAIRE dont relèvent nombre de temps partiels reste toujours aussi bas ; un RSA en baisse et davantage de stigmatisation et de contrôle de ceux qui en dépendent et l’instauration d’une prime d’activité destinée à multiplier les travailleurs pauvres. Une austérité qui ne dit pas son nom fait travailler plus, contrôle davantage et appauvrit.

Une mobilisation déterminée a débuté et se prolonge pour arracher le retrait de la Loi travail, donner un coup d’arrêt à une politique de précarisation qui s’applique partout, par-delà les statuts juridiques sous lesquels nous sommes enrôlés dans la production (CDI, CDD, auto-entrepreneur, CDDU, stagiaires, intérim, ...).

Contre ces attaques, pas question de se borner à défendre un insatisfaisant statu quo. Nous savons que sans droit au chômage, le droit du travail continuera d’être battu en brèche. Ce n’est pas la richesse qui manque. Unis, déterminés, en lutte, nous saurons inventer d’autres pratiques, de nouveaux droits collectifs et imposer une tout autre logique.

À tout bientôt...

Coordination des intermittents et précaires

14 avril 2016 : Appel aux étudiant.e.s en art et aux futurs et jeunes intermittent.e.s

La précarité, c’est pas du cinéma !

Mémoire :

Notre tâche ici serait de vous faire voir en parlant. Une des tâches de la politique aujourd’hui serait de rendre visible ce qui est invisible. Dans le bunker du festival de Cannes, en 2004.

Adresse originale de l'article : http://cambouis.cip-idf.org/spip.php?article8108